fbpx

Une électricité française décarbonée et favorable au chauffage électrique, qu’en est-il vraiment ?

By

Une électricité française décarbonée et favorable au chauffage électrique, qu’en est-il vraiment ?

Été 2020, l'ADEME communique sur la nouvelle teneur en CO2 de l'électricité en France pour le chauffage électrique. La note délivrée par l'ADEME montre une teneur en carbone de 79 gCO2 / kWh, contre un ratio de 210 gCO2 / kWh actuellement pris en compte pour l'expérience E + C-. Cependant, même si la France s'oriente vers les énergies renouvelables, l'énergie nucléaire a été et reste aujourd'hui la principale source de production du réseau français. Alors, comment expliquez-vous une telle réduction de la teneur en carbone de l'électricité pour le chauffage électrique? Quelles sont les conséquences ?

Le responsable du réseau de transport d'électricité (RTE) fournit de nombreuses informations sur la production et la consommation d'électricité en France. Le bilan 2020 montre notamment le mix électrique réel de l'année écoulée.

Répartition de la production d'électricité par secteur en France en 2020

Répartition de la production d'électricité par secteur en France en 2020 (source: RTE)

Parallèlement, l'ADEME propose un outil, la Base Carbone, qui renseigne sur la teneur en CO2 produite par chaque secteur de production. Connaissant le contenu carbone des différents secteurs de production ainsi que la production réelle pour chaque secteur, il est alors possible d'établir précisément l'empreinte carbone annuelle.

émissions de CO2

Source: Base Carbone ADEME (2013)

Cependant, ces rapports annuels ne permettent pas d'établir directement la teneur en carbone de l'électricité par usage (chauffage, ECS, éclairage, etc.), et donc de projeter les émissions de carbone d'une construction neuve. Ceci est principalement dû au fait que le mix énergétique – et donc la teneur en carbone de l'électricité – évolue constamment, au cours d'une année, d'un mois, mais aussi au cours de la même journée pour répondre à la demande réelle d'électricité.

Cette variation du mix électrique est liée à la variation de la demande qui apparaît au cours des jours, comme le montre le graphique ci-dessous:

PRINCIPAL Profil de consommation par utilisation en hiver x900

Source: RTE

Ces pics de demande ne peuvent pas être entièrement couverts par le nucléaire ou les énergies renouvelables. Ce sont alors les filières thermiques à fortes émissions (gaz, fioul, charbon) qui vont répondre à ce «surplus» de demande, ce qui conduit à une teneur en carbone de l'électricité beaucoup plus élevée pendant ces périodes.

Tout le problème est alors de pouvoir établir une valeur «moyenne» de la teneur en carbone de l'électricité, et plus particulièrement de l'électricité destinée au chauffage afin de pouvoir comparer les différentes solutions d'approvisionnement et leur impact environnemental de la manière la plus efficace. . juste possible.

Plusieurs méthodes existent à ce jour, basées sur différents modèles mathématiques. Voici les deux principales méthodes utilisées en détail.

Cette méthode est actuellement utilisée pour les analyses de cycle de vie dans le cadre de l'expérience E + C-, mais sert également de référence pour les bilans carbone réalisés par l'ADEME.

Cette méthode consiste à scinder la production en deux: une production de base, stable et peu émettrice, et une production dite saisonnière qui permet de répondre aux pics de demande grâce à une production thermique supplémentaire qui émet beaucoup de carbone.

Plus précisément, la méthode consiste en:

  • Définir pour chaque secteur de production la part d'électricité «non saisonnière» et la part «saisonnière». La partie non saisonnière correspond en pratique à la production mensuelle la plus faible de l'année (voir schéma ci-dessous, exemple de production nucléaire).

Évolution mensuelle de la production nucléaire

Bilan électricité 2020 (source: RTE)

  • Calculer la teneur en carbone des mix électriques «non saisonniers» et «saisonniers» établis en additionnant les productions «non saisonnière» et «saisonnière» définies au point précédent.
  • Définir pour chaque utilisation de la consommation d'électricité la partie "non saisonnière" et la partie "saisonnière", de la même manière que pour les secteurs de production (voir exemple ci-dessous)

Profil de consommation de chauffage en France en 2020

Profil de consommation de chauffage en France en 2020 (source: RTE)

  • Calculez le facteur d'émission annuel moyen pour chaque utilisation définie comme suit:

Formule de calcul du facteur d'émission annuel moyen par utilisation

La méthode mensuelle par usage est adoptée par la nouvelle réglementation environnementale, la RE2020 qui remplace la RT2012 et contraint les émissions de carbone des nouvelles constructions.

Cette méthode propose d'attribuer proportionnellement le contenu carbone mensuel du mix électrique français à la consommation mensuelle d'un usage.

En détail, cette méthode consiste en:

  • Définissez une teneur mensuelle moyenne en carbone obtenue à partir du mix électrique réel pour chaque mois.
  • Définissez la part de consommation pour chaque utilisation sur une base mensuelle.
  • Calculez le facteur d'émission annuel moyen pour chaque utilisation définie comme suit:

Formule de calcul

Cette méthode peut également s'appliquer au pas de temps horaire ce qui permet une meilleure prise en compte de la flexibilité des moyens de chauffage. La mise en œuvre (calculs) est cependant beaucoup plus complexe et les résultats sont très proches de la méthode mensuelle par utilisation.

La méthode saisonnière présente un certain nombre de limites qui ne reflètent pas le fonctionnement réel de la production et de la consommation d'électricité en France. Voici les principaux:

  • L'utilisation du chauffage est considérée comme entièrement saisonnière car elle est pratiquement inexistante en été. Outre l'incohérence avec le fonctionnement réel, ce point signifie également qu'indépendamment de l'évolution du parc de production d'électricité en France, le facteur d'émission du chauffage électrique sera toujours totalement dépendant de la «production saisonnière». »Et donc une production thermique (gaz, fioul, charbon) à fort impact carbone.
  • La production photovoltaïque est faible en hiver (moins d'ensoleillement et moins favorable à la météorologie) et maximale en été, ce qui conduit à un caractère «saisonnier» de la production, qui sera par la suite attribué à une consommation «saisonnière», largement représentée par la consommation de chauffage.
  • La séparation «saison douce» et «saison froide» ne convient pas pour caractériser la production hydroélectrique, qui présente une saisonnalité complètement différente dépendant notamment des épisodes pluvieux.

L'ADEME considère donc que cette méthode est trop simpliste et conduit à des facteurs d'émission de carbone beaucoup trop élevés. L'ADEME indique également dans la note technique publiée en juillet 2020 que «cette méthode est devenue obsolète au vu de l'évolution du mix énergétique français, car elle a conduit à considérer l'utilisation du chauffage comme 100% saisonnière».

A l'inverse, l'ADEME précise dans sa note que la nouvelle méthode dite du «mensuel à l'usage» est plus simple, plus significative et reflète plus précisément l'aspect saisonnier du chauffage.

tableau

Résumé comparatif des deux méthodes

D'une part, ce changement brutal de la teneur en carbone de l'électricité pour le chauffage crée une rupture entre les études carbone d'aujourd'hui et les précédentes études carbone ou analyses de cycle de vie, les rendant incomparables.

Cette réévaluation du contenu carbone implique également que la valeur précédente était bien supérieure au contenu «réel», et cela est d'autant plus vrai ces dernières années avec l'évolution du mix électrique français et l'incorporation d'énergies renouvelables que le «saisonnier» n’a pas permis d’en tenir compte de manière efficace.

En revanche, cette baisse de la teneur en carbone du chauffage électrique aura tendance à provoquer une recrudescence de ce type de système, avec toutefois quelques limitations.

Pour les constructions neuves, la RE2020 qui intègre ce nouveau contenu carbone devrait être applicable à partir de 2022 pour les logements, les bureaux et les établissements d'enseignement. Cette nouvelle réglementation environnementale comprend notamment un seuil d'émission de CO2 pour la phase d'exploitation des nouvelles constructions. Le taux de carbone étant très favorable pour le chauffage électrique, le seuil de carbone imposé ne limiterait probablement pas la mise en œuvre de systèmes de chauffage électrique. La RE2020 comprend cependant un nouvel indicateur qui vise à limiter la part d'énergie non renouvelable consommée. Le ministère de la Transition écologique précise que cet indicateur de performance énergétique a pour objectif de limiter voire de proscrire ce type de chauffage.

Cependant, le discours suggère qu'avec une enveloppe exceptionnelle et des besoins en chauffage considérablement réduits, il serait possible d'utiliser des systèmes de chauffage électrique à effet Joule (c'est notamment le cas de certaines opérations passives). Si l'on considère cette solution du côté carbone, elle n'est pas forcément dénuée de sens.

En effet, le système de chauffage sera inefficace, et donc les émissions de carbone liées à la phase d'exploitation seront plus importantes. Cependant, le retour d'expérience de l'expérience E + C- montre que le poids carbone des nouvelles constructions provient principalement des produits de construction, et cela est d'autant plus vrai pour les bâtiments à enveloppe haute performance.

Le chauffage électrique permet ainsi de limiter le poids carbone des produits de construction: moins de réseaux, pas de chaufferie et ses locaux… La question suivante se pose alors pour les bâtiments performants: vaut-il mieux privilégier un système plus d'approvisionnement? efficace et plus vertueuse (type de réseau de chaleur géothermique, chaufferie bois, etc.) nécessitant des équipements matériels à fort impact carbone, ou une solution plus «simple» dont l'impact carbone en fonctionnement (lié à la consommation d'énergie) n'est plus si "noir"?

À ce jour, les données de carbone pour les produits batch Chauffage Ventilation Climatisation (CVC) sont prises de manière forfaitaire dans les analyses du cycle de vie de l'expérience E + C-. L'expérimentation propose ainsi un package HVAC forfaitaire à très fort impact carbone mais qui ne permet pas de différencier les solutions d'approvisionnement. La base de données carbone des produits liés à ce lot est encore trop peu fournie pour répondre pleinement à la question précédente. Nous sommes donc toujours très dépendants de la volonté des industriels de créer des fiches Profil Environnemental Produit (PEP).

Pour les opérations de rénovation, la RE2020 n'est pas applicable, c'est toujours la Réglementation Thermique (RTex) existante qui prévaut, dont les exigences ne sont pas à la hauteur de l'urgence climatique actuelle. La question de l'approvisionnement énergétique est d'autant plus importante pour les opérations de rénovation que les contraintes architecturales du bâtiment existant (surfaces et épaisseurs disponibles pour l'isolation notamment) complexifient la création d'une enveloppe thermique performante. Par conséquent, cela signifie une consommation de chauffage généralement plus élevée que pour les nouvelles constructions.

Cet abaissement du taux d'émission de carbone des radiateurs électriques est donc un argument fort pour limiter les émissions de carbone en fonctionnement, réduction à partir de laquelle il est important de prendre du recul.

À l'échelle nationale, une recrudescence des systèmes de chauffage électrique entraînerait une forte augmentation de la demande d'électricité, en particulier pendant les périodes froides. Si cette recrudescence est trop simple et ne laisse pas le temps à l'approvisionnement électrique français de s'adapter, la production d'électricité de ce surplus serait alors assurée par les filières de production d'électricité thermique (charbon, gaz, fioul) et le facteur d'émission. le carbone issu du chauffage électrique serait alors beaucoup plus substantiel.

Il est également important d'observer les conséquences du chauffage électrique à plus grande échelle qu'en France. En effet, la France exporte une partie de son électricité décarbonée. En termes simples, en augmentant le nombre de systèmes de chauffage électrique, la consommation d'électricité augmentera en France et la part de l'électricité exportée diminuera pour répondre à cette demande. Cela signifie que les pays voisins qui ont importé l'électricité produite en France devront la compenser en utilisant des systèmes de production beaucoup plus intensifs en carbone. L'empreinte carbone globale est alors bien moins vertueuse qu'affichée … Si ce poids carbone n'est pas pris en compte dans le contenu carbone retenu pour le RE2020, d'autres méthodes dites incrémentales permettent de le prendre en compte et sont à des fins d'évaluation des politiques publiques.