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La Presse à Baie-Comeau | Une usine à réinventer

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La Presse à Baie-Comeau | Une usine à réinventer

(Baie-Comeau) Vous ne pouvez pas manquer l'usine de papier journal de Résolu à votre arrivée à Baie-Comeau. La gigantesque infrastructure industrielle se situe en plein cœur du centre-ville, mais après un an d'inactivité forcée, elle apparaît désormais plus comme un vestige du passé que comme le moteur économique qu'elle a toujours été pour la région de Manicouagan.


Jean-Philippe DécarieJean-Philippe Décarie
presse

Il y a un an, le 28 mars, l'usine de papier journal de Baie-Comeau a cessé ses activités en raison de la pandémie. Mais cet arrêt temporaire est vite devenu permanent avec l'accélération marquée de la baisse de la demande mondiale de papier journal.

«Depuis 10 ans, nous ressentons la baisse, alors que la demande baisse de 9% par an. Nous avons fermé la machine numéro 1 en 2013, puis la machine 2 en 2015. Il n'y avait que les machines 3 et 4 en fonctionnement lorsque la pandémie a éclaté, explique Steve Belzile, président de la section locale du syndicat Unifor. de Baie-Comeau. Nous pensions reprendre la production en septembre, mais Résolu a décidé de cesser la production de papier journal à Baie-Comeau et à Amos parce qu'il n'y a plus de marché. "

PHOTO YVES TREMBLAY, ARCHIVES LES YEUX DU CIEL

Vous ne pouvez pas manquer l'usine de papier journal de Résolu à votre arrivée à Baie-Comeau.

Steve Belzile fait partie du comité de relance de la papeterie de Baie-Comeau, qui a été mis en place durant l'été et qui a mené une première étude pour trouver de nouvelles façons de relancer les activités de l'usine.

Le comité de relance, présidé par Marcel Furlong, préfet de la MRC de Manicouagan, s'est réuni vendredi à Baie-Comeau avec Rémi Lalonde, PDG de Résolu, pour présenter des solutions qui pourraient permettre la réouverture de l'usine.

«Nous avons eu une discussion assez franche, je pense», résume Marcel Furlong. Ils avaient déjà exploré certaines des options qui leur étaient présentées, comme la production exclusive de pâte thermomécanique à l'usine. Ils ont évoqué la participation financière du gouvernement par le biais du Fonds de développement économique, dont Kruger en a déjà bénéficié. "

Réactiver le moteur

«Le stress d'avoir une usine fermée n'est pas trop grand. La majorité des 240 travailleurs touchés ont trouvé un emploi, mais l'usine de Baie-Comeau est au cœur de l'industrie forestière de la région », a poursuivi le président du comité de relance.

Tout l'écosystème de l'industrie forestière régionale est touché par la fermeture de l'usine de Baie-Comeau. Elle a absorbé les résidus (copeaux et sciure) des scieries voisines, celle d'Outardes qui appartient à Résolu et celle de Port-Cartier du groupe Arbec, qui a dû fermer ses portes car elle ne peut plus trouver d'acheteur pour ses copeaux.

Tous les copeaux de la scierie Resolute sont acheminés par camion jusqu'à Clermont, ce qui n'a pas de sens. Ils peuvent le faire car les prix du 2 x 4 sont élevés. Mais nous augmentons les émissions de CO2 et endommageons la route 138. Cela représente des coûts sociaux.

Yves Montigny, maire de Baie-Comeau, qui fait également partie du comité de relance

La ville de Baie-Comeau est née avec la construction en 1937 de l'usine de papier journal qui a longtemps été au cœur de l'activité économique de toute la région avec la création d'une première centrale électrique, Manic 1, en forêt, la bûche conduire et scieries. «Nous sommes une région ressource, il y a des milliers d'emplois qui dépendent de l'activité forestière, des entrepreneurs, des ouvriers de la forêt, de la scierie. La gestion des déchets est au cœur de toute cette activité», explique le maire de Montigny.

Grâce à sa proximité avec son port maritime, la production de papier journal de Baie-Comeau était destinée aux marchés d'exportation: États-Unis, Angleterre, Turquie, Amérique du Sud. Le Globe de Boston est imprimée depuis longtemps sur du papier Baie-Comeau.

Usine de pâte à papier

Afin de ne pas détruire tout cet écosystème, il faut donc continuer à récupérer et transformer les résidus forestiers, et l'usine de Baie-Comeau doit renaître sous une forme ou une autre.

Steve Belzile souligne qu'un an avant la pandémie, Résolu avait entrepris à titre expérimental la fabrication de pâte thermomécanique avec l'une des deux machines de l'usine. «La pâte thermomécanique est utilisée pour fabriquer du papier de soie», explique-t-il. Il représente 20% de la composition du papier toilette. Une unité de blanchiment devrait être ajoutée pour répondre aux besoins de l'industrie. On parle d'un investissement de 25 millions. "

Tous les membres du comité de relance soulignent que le gouvernement du Québec a déjà largement appuyé la transformation de la papeterie Kruger à Trois-Rivières et à Sherbrooke. Baie-Comeau devrait avoir droit au même traitement.

Le comité propose également que Résolu réduise ses coûts d'approvisionnement en électricité en installant une unité de cogénération qui monopoliserait une partie des surplus de résidus forestiers dans la région. Une autre possibilité serait de se réorienter vers la fabrication de granulés pour le chauffage ou la production de pâte à papier pour la consommation. «Nous préférons la fabrication de pâte thermomécanique avec une centrale de cogénération», précise Marcel Furlong.

Mais, évidemment, la région de Manicouagan est aux prises avec un réel surplus de copeaux de bois. Lors de ma visite en milieu de semaine dernière, entre Tadoussac et Baie-Comeau, je suis tombé sur un camion transportant une charge de bois, sept camions avec des grumes non transformées et 12 camions pleins de copeaux.

Ce va-et-vient constant des résidus forestiers est coûteux et non productif. La réouverture de l'usine de Baie-Comeau permettrait également à la scierie Arbec de Port-Cartier de reprendre ses activités – avec un débouché pour ses copeaux – et de profiter des prix du bois qui atteignent des sommets sans précédent.

Les autres options

PHOTO JEAN-PHILIPPE DÉCARIE, LA PRESSE

À Baie-Comeau, le comité de relance travaille à la prospection d'acheteurs qui pourraient être intéressés par les installations industrielles de Résolu.

Résolu doit rapidement se prononcer sur ses intentions quant à l'avenir de son usine de Baie-Comeau, ainsi que celle d'Amos, d'ailleurs. Le maintien en vie de ces deux infrastructures importantes a coûté à l'entreprise 20 millions de dollars au cours de la dernière année.

À Baie-Comeau, le comité de relance travaille à la prospection d'acheteurs qui pourraient être intéressés par les installations industrielles de Résolu.

«C'est un immense site industriel», précise Yves Montigny. Resolute possède plus de 7 millions de mètres carrés de terrain. Le site est relié directement par chemin de fer au port, à seulement un kilomètre. Il y a une immense capacité de stockage, des installations électriques d'une capacité de 100 mégawatts et un centre de traitement des eaux. "

Le maire est pleinement conscient de l'omniprésence de l'usine de papier journal de sa ville, car elle est située juste en face de son bureau. «L'usine est fermement ancrée dans la terre et dans notre histoire», reconnaît-il.

Une ville née dans le papier

Comme plusieurs villes industrielles du Québec, Baie-Comeau est née autour de la création d'une entreprise. Il est propriétaire et éditeur de Chicago Tribune, Robert R. McCormick, contrarié de ne pouvoir compter sur des sources fiables de papier journal, décide en 1923 de construire sa propre usine dans la baie de Comeau, à l'est de la rivière Manicouagan.

McCormick, qui a servi dans l'armée des États-Unis pendant la Première Guerre mondiale, où il a obtenu le grade de colonel, aurait eu un camp de pêche à proximité.

Il explore largement la région et obtient ses premières concessions forestières en 1923 contre l'engagement de créer une usine de transformation de papier journal en 1930. Les premières années sont consacrées à la construction d'un barrage sur la rivière des Outardes – qui deviendra Manic 1 – afin d'avoir l'énergie nécessaire pour alimenter sa nouvelle usine.

La crise de 1929 retarde considérablement le projet, mais en 1937, la ville de Baie-Comeau est officiellement créée et abritera les futurs ouvriers de l'usine de papier journal, qui débutera ses activités l'année suivante.

La création de cette usine a également conduit au développement du port de Baie-Comeau, qui assurerait un approvisionnement régulier en papier journal pour la Chicago Tribune et le Nouvelles du New York Daily, qu'il a fondé en 1919.

«Le port de Baie-Comeau est toujours un atout. Il est en eau profonde, ouvert 12 mois par an et ne nécessite pas de navigateur car il n'y a pas de pièges à la mer», se souvient fièrement le maire Yves Montigny.

Diversification du développement

L'avenir incertain de l'usine de papier journal de Baie-Comeau fait ressortir l'importance qu'il faut accorder à une saine diversification de l'activité économique sur la Côte-Nord. Le secteur des batteries de véhicules électriques est l'un des vecteurs de ce nouveau développement.

La MRC de Manicouagan est convoitée par plusieurs entreprises qui souhaitent développer de nouveaux projets. C'est notamment le cas d'EVSX qui prépare le terrain pour y implanter une usine de recyclage de batteries usagées.

«C'est la société de Paul Pelosi Jr., fils de Nancy Pelosi (présidente de la Chambre des représentants américaine), qui a développé une technologie pour extraire le lithium de tous les types de batteries usagées. EVSX s'intéresse à Baie-Comeau parce qu'elle a un projet de mine de nickel un peu plus au nord », explique Guy Simard, président d'Innovation et Développement Manicouagan.

A terme, EVSX pourrait donc exploiter son gisement de nickel brut et produire du nickel recyclé à partir de batteries. Ce n'est pas le seul acteur de l'industrie des batteries de véhicules électriques à s'intéresser à Baie-Comeau.

Mason Graphite, de Laval, est propriétaire d'un gisement de graphite au lac Guéret, à 300 kilomètres au nord de Baie-Comeau. L'entreprise a réalisé une première étude de faisabilité en 2015, mais n'a pas suivi son projet en raison de contraintes financières.

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Mason Graphite est une entreprise québécoise active dans la production et la transformation de graphite naturel.

«Nous avons repensé nos plans en 2018 et nous avons décidé de retirer le minerai de la mine et de le traiter à Baie-Comeau plutôt que directement sur place. Cela nous permet d'être connectés au réseau électrique et d'avoir nos équipes en permanence en ville plutôt que d'avoir un camp minier », explique Jean L'Heureux, Président et COO de Mason Graphite.

Mason Graphite, dont Investissement Québec est un actionnaire majeur, espère finaliser prochainement le financement pour réaliser son projet. Une dizaine d'employés travailleraient sur le site du gisement et le traitement du minerai dans le parc industriel de Baie-Comeau emploierait une soixantaine d'employés. Trente chauffeurs transportaient le minerai de la mine à l'usine.

Le graphite est utilisé dans la fabrication de disques de frein, de briques réfractaires pour la métallurgie et surtout, parfois, de batteries lithium-ion pour véhicules électriques.

Nous avons un immense avantage: la concentration de notre gisement. Vous pouvez produire 1 tonne de graphite avec 6 tonnes de roche, alors que de nombreux producteurs doivent traiter 100 tonnes de minerai pour obtenir le même résultat.

Jean L’Heureux, Président et COO de Mason Graphite

En 2015, Mason Graphite a conclu un accord avec la nation innue de Pessamit qui prévoyait l'embauche de travailleurs innus comme chauffeurs pour transporter le minerai. L'année dernière, le chef du conseil innu de Pessamit a annoncé qu'il allait mettre fin à cet accord.

«L'ancien patron avait rompu les liens car il craignait que Mason Graphite ne tienne ses engagements si jamais elle était vendue à un autre groupe. Nous voulons toujours participer au développement de la mine si l'accord est respecté », a déclaré Jean-Marie Vollant, le nouveau chef du conseil innu de Pessamit.

Une chose est certaine, toutes les personnes impliquées dans le développement économique de la Côte-Nord souhaitent l'établissement d'un lien routier continu par la construction d'un pont enjambant la rivière Saguenay entre Tadoussac et Baie-Sainte-Catherine, plutôt que d'utiliser le ferry devenu obsolète.

«Nous avons plein d'exemples dans les fjords des pays scandinaves où nous avons construit des ponts suspendus pour 325 millions, plaide Guy Simard, président d'Innovation et Développement Manicouagan. On nous le promet depuis 40 ans. Il est temps de prendre action. "