Isabelle raconte sa vie “à l’ancienne” dans sa maison mal isolée
Ppour elle, témoigner est une bénédiction. Confrontée au froid chez elle, Isabelle Martin souffre du regard de ses voisins. "Je bavarde, je suis" sale "," paresseux "," voleur "" ", a-t-elle écrit en réponse à notre appel à témoignages sur les difficultés de chauffe. Elle veut raconter, expliquer et changer les mentalités: "Je n'ai pas à baisser les yeux car je vis dans un bidonville et je ne peux pas payer Conseil Chauffage."
Comme Isabelle, de nombreux Français modestes peinent à chauffer leur maison. L'année dernière, près de 7 millions de personnes ont été victimes de la précarité énergétique, consacrant plus de 8% de leur budget à la facture énergétique, selon l'Observatoire national de la précarité énergétique. Derrière ces chiffres, il y a des vies ralenties, voire brisées, par le froid. Des vies souvent invisibles, que Franceinfo a choisi de mettre en avant dans l'opération # LesMalChauffés. Dans cet article, Isabelle dénonce la "situation intolérable" dans lequel son divorce le plongea. Voici son témoignage.
JJe vis dans une maison du 17ème siècle au centre de la Bretagne, dans le village de Saint-Caradec. Je l'ai acheté en 1998 avec mon mari, avec un gros budget de travail. Mais la même année, mon mari m'a quitté. Il était pilote maritime dans la marine marchande, avec un gros salaire.
Je me suis retrouvé à emménager seul dans cette maison, avec notre fille de 2 ans. Je ne connaissais personne et j'avais moins de 1000 euros d'économies. C'était très dur.
Les murs étaient pourris. J'ai tout mis à nu avec mes mains, et j'ai mis du plâtre de sable et de chaux. Grâce à mes parents, au fil des années, j'ai installé un point d'eau, des portes-fenêtres et un poêle.
Je me suis accroché, ne me donnant qu'un seul repas par jour. J'ai eu du mal à garder la garde de ma fille, j'ai suivi une formation de directrice adjointe et j'ai finalement trouvé un appartement dans le Morbihan, où nous nous sommes installés en 2005.
Et puis, en 2006, je suis tombé malade, en dépression. Après des années à m'accrocher à ma fille, toute cette charge m'a rattrapé.
J'ai été déclaré invalide pour cette raison et, faute de moyens, nous avons dû rentrer dans cette maison mal isolée, en 2009. J'y suis coincé depuis: la procédure de divorce traîne en longueur et empêche toute vente.
Au plus fort de l'hiver, j'ai du mal à maintenir une température de 16 ou 17 ° C, malgré mon poêle et mon chauffage électrique.
Souvent au réveil, il fait moins de 14 ° C. Vous vous levez, vous stressez déjà …
Après avoir rallumé le poêle, je sors chercher du bois: j'ai un terrain de 3000 m2 avec des chênes centenaires, je récupère les branches tombées au sol. Mais ce n'est pas assez. Une ou deux fois par mois, vous devez acheter une palette de bois à l'hypermarché. Je reçois 150 euros par mois, en plus de mes 168 euros Conseil Chauffage.
L'énergie représente un tiers de mon budget, car je ne vis qu'avec 900 euros de handicap. Donc, pour éviter les coupures, ma mère m'aide à régler certaines factures.
Les ajustements que j'ai effectués depuis mon arrivée m'ont permis de réduire ma consommation d'électricité. J'essaie d'aller encore plus loin, avec des doubles rangées de rideaux, des draps en polystyrène … Mais les factures d'Conseil Chauffage ne baissent pas: les taxes, l'abonnement et le kilowattheure ont augmenté au fil des années! Et je n'ai pas droit au chèque énergie, car je suis toujours considéré comme marié à un homme riche.
En hiver, il fait trop froid pour prendre une douche. Il est installé dans le grenier, sous les ardoises, sans aucune isolation. Le toit n'est pas en bon état, je ne vous parle pas des ébauches – et pourtant nous essayons de boucher les trous avec du papier journal …
Pas question de me laver quand il fait 6 ° C là-haut. C'est terrible d'avoir la peau mouillée et de sentir cet air froid sur vous.
Il y a quelques années, avant une opération pour un grain de beauté, le dermatologue m'a demandé de prendre une douche avec un produit spécial la veille. C'était l'hiver. Je n'ai pas osé dire que c'était impossible pour moi … Résultat, je ne suis pas allé me faire opérer.
J'ai découvert que ne pas se laver augmente la sensation de froid, en raison de la transpiration accumulée sur la peau.
J'ai donc installé une très petite pièce en bas avec des rideaux. J'allume un radiateur soufflant et, cinq ou dix minutes plus tard, j'arrive avec mes bols en émail et mon eau chaude. Je nettoie tout mon corps avec des couches et des serviettes pour bébé. Une toilette à l'ancienne.
Ma fille, Maïwenn, est étudiante à Rennes. Quand elle rentre à la maison le week-end, elle trouve son lit dans le grenier. Elle a ses habitudes, ses techniques contre le froid. Elle adore cet endroit, où le souffle du vent rappelle le bruit des vagues. Quand elle était petite, ça l'a bercée. J'ai même installé un barnum pour lui, recouvert d'un tissu isolant à décor étoilé. Elle avait un petit radiateur, c'était son cocon.
Quand il faisait moins de 10 ° C dans le grenier le soir, j'ai dit à Maïwenn de coucher avec moi. Sinon c'était un coup dur de se réveiller à 4 ° C le matin …
J'ai appris à ma fille à garder la tête haute et à ne pas avoir honte de qui elle est. La pauvreté n'est pas un défaut mais une injustice. Nous souffrons beaucoup de l'image que les gens ont de nous dans le village.
Nous sommes "les pauvres", "cas sociaux", "les assistés", "les sorcières"… "Elle ne fait rien", donc ce n'est rien.
Nous sommes définis par notre compte bancaire. En voyant le bazar de palettes en bois devant ma maison, les gens m'ont jugé et m'ont mis de côté … Au lieu de dire que j'avais besoin d'un coup de main. Mon histoire est celle d'un accident de la vie, après une mauvaise rencontre. Maintenant, j'attends que mon divorce soit effectif avant de pouvoir vendre la maison et déménager. J'ai hâte d'ouvrir une nouvelle page. Je n'ai que 49 ans. Mais je sais que les pauvres vieillissent et meurent plus vite que les autres.
Souffrez-vous du froid à la maison et cherchez-vous de l'aide? Un numéro de téléphone géré par le service public de la précarité énergétique, le 0 808 800 700 (prix d'un appel local), vous permet d'être conseillé en vue d'améliorer votre logement. Des centres d'action sociale communaux (CCAS) sont également à votre disposition et peuvent vous aider à régler certaines factures.