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Méthanisation : rencontre avec ces agriculteurs qui choisissent de produire de l’énergie

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Méthanisation : rencontre avec ces agriculteurs qui choisissent de produire de l’énergie

Jérôme va et vient avec sa chargeuse-pelleteuse. D'une part, des tas d'herbe décomposée, de maïs et d'ordures. De l'autre, un énorme conteneur, au bord des réservoirs circulaires du méthaniseur. 46 000 kg de "déchets" viennent d'être ajoutés, indique l'écran numérique qui surplombe le bol. C'est le régime quotidien de ce méthaniseur, qui transforme ces matières animales et surtout végétales en électricité. De quoi alimenter le réseau électrique, avec l'équivalent de la consommation moyenne de 1 000 foyers.


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Chaque jour, 42 tonnes de déchets animaux et végétaux sont ajoutées au méthaniseur.

Cela fait deux ans que Jean-Pierre Deshayes s'est lancé dans l'aventure de la méthanation, dans le Perche (Orne). À l'époque, son projet avait déclenché l'opposition des habitants de la commune. Jean-Pierre Deshayes est un "gros" éleveur: 480 hectares de terres, dont 360 en culture, quatre salariés, des porcs sur paille en sous-traitance, 130 taureaux pour le marché de la viande. Et deux méthaniseurs, qui rapportent désormais pas moins de 50% de ses revenus. "Il est aujourd'hui plus utile de produire de l'énergie bas carbone que de produire des produits laitiers et de la viande, il croit. Cela correspond à un besoin de notre territoire. "

Cultures végétales pour la digestion anaérobie

Et un bon moyen de récupérer les déchets? En partie seulement: sur les 42 tonnes qui alimentent son méthaniseur, Jean-Pierre Deshayes ne met que 10 tonnes de fumier, et 3 à 4 tonnes de déchets céréaliers de la coopérative agricole ou du marc de pommes d'une cidrerie locale. Les autres sont de l'herbe (20 tonnes) et du maïs (8 tonnes). La recette des machines de tournage optimales valorise les plantes plutôt que les matières animales.


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Dans Jean-Pierre Deshayes & # 39; cour, le maïs et l'herbe cultivés ou coupés par l'agriculteur sont stockés.

90% des résidus végétaux et animaux proviennent de la ferme, ce qui limite les déplacements. L'agriculteur produit donc une partie de ses céréales, principalement du maïs, pour nourrir directement son méthaniseur. Depuis 2016, un décret a interdit de mettre plus de 15% de la récolte principale dans un méthaniseur. Mais les cultures dites «intermédiaires», à vocation énergétique (Cive), semées et récoltées entre deux principales cultures vivrières, n'entrent pas dans ce calcul de 15%. Ils peuvent donc alimenter les unités de méthanisation.

Produire de l'énergie plutôt que soutenir une agriculture intensive?

Certains y voient un système de cultures parasites dont le but n'est plus de nourrir le bétail. Jean-Pierre Deshayes lui rappelle l'impact carbone de l'agriculture intensive et de la production laitière. "Il faut six kilogrammes de céréales pour produire un kilogramme de croissance pour une vache dont seule une partie de la viande sera récupérée, souligne-t-il. Est-il préférable d'utiliser certaines cultures directement pour produire de l'énergie plutôt que de mettre du poulet en batterie ou d'exporter nos cultures vers des pays où nous détruisons l'agriculteur à cause de ces exportations? "


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"J'ai des amis qui ont besoin de cinq poulaillers aujourd'hui pour maintenir le revenu qu'ils avaient autrefois avec trois poulaillers!" "

Autre avantage perçu par l'agriculteur: l'utilisation de la digestion anaérobie comme engrais pour ses champs. Après avoir macéré dans les énormes réservoirs étanches, les plantes et les matières animales tombent au fond du réservoir. Les liquides d'où s'échappe une odeur de méthane sont collectés dans une grande cuve circulaire avant de rejoindre les réserves installées au plus près des cultures. Les matières sèches sortent sous un hangar: c'est une sorte de compost inodore, résultat du travail des bactéries qui ont agi dans le méthaniseur. Ces deux digestats peuvent être répandus sur les cultures. "En utilisant un hectare de maïs, vous pouvez fertiliser un hectare de récolte", explique le chef de l'exploitation.

"Le système, ça ne vous intéresse plus!"

Grâce à ce procédé, Jean-Pierre Deshayes n'achète presque plus d'engrais chimiques à la coopérative agricole. "La vie microbienne des sols renaît", il croit. Grâce à une nouvelle rotation des cultures et une meilleure rotation des cultures grâce au maïs, il a également réduit ses achats de produits phytosanitaires de 20 000 euros (soit une baisse de 30%). Cependant, il n'est pas question de passer au bio: le glyphosate lui permet d'éviter de retourner le sol, donc de garder du carbone dans le sol, rappelle l'agriculteur.


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Avec son installation, Jean-Pierre Deshayes a conscience de sortir des circuits habituels de l'agriculture conventionnelle, des relations avec la coopérative agricole. "Le système, vous n'êtes plus intéressé! Devons-nous constamment nous développer pour produire plus de lait et finalement payer pour Lactalis? J'ai des amis qui ont besoin de cinq poulaillers aujourd'hui pour maintenir le revenu qu'ils avaient autrefois avec trois poulaillers! "

"Ai-je plus d'utilité sociale que de produire de la viande?"

Dans les réservoirs scellés, des bulles s'échappent de la grande soupe qui continue de tourner. Le méthane est récupéré par de gros tuyaux et transporté à l'autre extrémité du chantier. C'est dans cette pièce très bruyante qu'elle se transforme en électricité par plusieurs moteurs. L'électricité est ensuite transférée directement au réseau. L'énergie produite par le moteur chauffe également le réseau d'eau de la maison de l'agriculteur. Et bientôt, il fera sécher la paille ou peut-être le bois stocké dans l'immense hangar construit à côté. Le gaz produit par digestion anaérobie pourrait également être utilisé dans la région pour alimenter les chaudières en gaz naturel. Mais il faudrait alors développer l'infrastructure pour le transporter.


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La chaleur produite par la digestion anaérobie sera bientôt utilisée pour sécher la paille ou le bois stocké dans un hangar agricole.

Jean-Pierre Deshaye a investi quatre millions d'euros pour installer ses unités de digestion anaérobie. Il a reçu de l'Ademe 580 000 euros. Le retour sur investissement devrait être dans huit ans! À terme, l'agriculteur a l'intention de cesser de produire des veaux mâles. "La méthanisation donne du sens à nos opérations", souligne-t-il. "Ce n'est pas parfait, mais il n'existe pas pour être parfait à 100%. Ai-je plus d'utilité sociale que de produire de la viande? "

«Avec la digestion anaérobie, il faut trouver le bon équilibre et une certaine sagesse! "

Dans le Calvados, à deux heures de route du Perche, c'est le dernier tronçon du projet de méthanisation collective de la nouvelle commune Vire Normandie (17 000 habitants). Ce projet ambitieux est dans les cartons depuis près de douze ans: il devrait fournir du gaz à environ 20% des foyers de la ville. "Nous allons commencer à alimenter les méthaniseurs la semaine prochaine, si tout va bien, pour atteindre la vitesse maximale en mai prochain", explique Yves Lebaudy, ancien agriculteur et président de la SAS Agrigaz. Sur le site, de nombreux travailleurs sont occupés à effectuer les derniers réglages, à finir d'isoler les digesteurs et à finir les routes.


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Car il va falloir accueillir un ballet incessant de camions et de tracteurs. Au quotidien, 160 tonnes de déchets alimenteront les trois méthaniseurs. Un mix principalement composé de résidus animaux (66%), auxquels s'ajouteront 16% de végétaux (tonte de pelouse et cultures intermédiaires) et 16% de déchets alimentaires. (1). En fin de compte, peu de cultures agricoles devraient faire fonctionner l'installation. "Il pourrait s'agir d'un ensilage d'herbe infructueux, par exemple", explique Yves Lebaudy.

Le site abritera une petite réserve de maïs, pour assurer la continuité de la production d'énergie en cas de pénurie de matériel végétal. "Le but n'est pas d'y mettre du maïs, souligne Yves Lebaudy. La première mission du maïs est l'élevage! Avec la digestion anaérobie, il faut trouver le bon équilibre et une certaine sagesse! Il y a des limites, comme pour l'éolien où l'on sait aujourd'hui que l'extraction de métaux rares peut provoquer des pollutions. "

Cohérence énergétique

La recherche de la cohérence énergétique a guidé les agriculteurs, principaux promoteurs du projet. Les déchets des exploitations situées en moyenne à 8 km des unités de digestion anaérobie seront transportés sur le site par une entreprise de transport spécialisée. Les émissions causées par ces déplacements augmentent-elles l'empreinte carbone de la digestion anaérobie? "Pour 100 calories d'énergie produites, il faut moins de 5 calories d'énergie pour transporter les déchets, en amont, et les digestats, en aval", répond Yves Lebaudy. Une partie des déchets agroalimentaires proviendra de Normandise, une usine spécialisée dans la production d'aliments pour chiens et chats, dont l'une des installations est située à quelques centaines de mètres des méthaniseurs. La chaleur produite par l'entreprise agroalimentaire est acheminée vers les méthaniseurs par des conduites d'eau chaude. Ceux-ci chauffent les digesteurs et le mélange de déchets avant leur injection dans les digesteurs.


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En cas de surpression à l'intérieur des dômes, le méthane s'échappe par les cheminées et est brûlé par des torches.

A Vire, les chefs de projet ont dû mettre en place un processus de désinfection des déchets entrant dans le composteur. "C'est une sorte d'autocuiseur, chauffé grâce à l'eau chaude de Normandie et une pompe à chaleur, où l'on met tous les déchets animaux, pendant une heure, à 70 degrés", explique Yves Lebaudy. L'objectif est de détruire les agents pathogènes – bactéries, parasites, résidus de médicaments – potentiellement contenus dans le fumier et le lisier. Le risque est de retrouver ces pathogènes dans les digestats répandus sur les terres agricoles, puis dans l'eau.

C'est sur le gaz que ce projet qui permettra d'engager directement trois salariés. Les méthaniseurs de Vire Normandie ne produisent donc pas d'électricité. A la sortie des digesteurs, une unité permet d'évacuer du gaz les "mauvais" éléments qui ne peuvent pas être injectés dans le réseau. A terme, grâce à la construction d'un quatrième digesteur et à l'augmentation des rendements, les unités pourraient produire 40% des besoins en gaz de la ville de Viroise.

Échapper aux groupes financiers

38 fermes (plus de 70 agriculteurs) ont uni leurs forces dans une SAS pour mettre en place le projet et échapper à la "Groupes financiers multinationaux", comme le dit Yves Lebaudy. «Les installations sont détenues à 90% par des agriculteurs, le reste par des acteurs locaux. C’est une vraie volonté politique. " Chacun a mis en moyenne 40 000 euros dans le SAS. Le reste est financé par des aides publiques (Feder, Ademe pour 2,5 millions d'euros) et des prêts de quatre banques. Au Conseil Chauffage, le projet coûte 11 millions d'euros. Dans huit ans, l'investissement sera amorti.

"C'est lent pour l'industrie, mais pas pour les agriculteurs!" Nous avons normalement plus de 15 à 20 ans pour un jeune qui s'installe maintenant! " Les agriculteurs bénéficieront également des digestats qu'ils épandreont sur leurs terres, grâce à un plan d'épandage collectif: "Il est plus heureux de voir des agriculteurs répandre du digestat à partir de déchets alimentaires industriels et agricoles que d'avoir à acheter des engrais à l'étranger et à l'industrie pétrochimique." Avec la clé, une réduction des gaz à effet de serre.


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L'argument écologique a convaincu la fermière Brigitte Lhullier, située à 10 km du site de méthanisation. «Nous avions déjà des panneaux solaires sur les bâtiments de notre ferme, une chaudière à copeaux de bois. Nous avions planté beaucoup de haies, mis moins d'engrais sur certaines parcelles … Produire des énergies renouvelables est innovant! "

Pendant six ans, Brigitte Lhullier a participé à la création du projet. Elle a rejoint le conseil d'administration de SAS. Installations visitées, systèmes de traitement de gaz, chaudières, fabrication de pompes à chaleur … Alors que la production de gaz est sur le point de commencer, l'agriculteur a pris sa retraite. «Nous espérons que notre acheteur prendra quelques parts, apportera du fumier et prendra du digestat. "

Simon Gouin (texte)

Patrick Bard (reportage photo sur la ferme Jean-Pierre Deshayes)

source:, https://www.bastamag.net/methanisation-biogaz-agriculteurs-produire-energie-gaz-vert-revenus-normandie