2021 et la Réglementation Environnementale : une année électrochoc ?
25 janvier 2021
Par Bernard Sesolis – Expert Energie Environnement
Nous dirons au revoir à RT 2012 et bonjour à ce que nous pourrions bien appeler «RE 2021».
Ce nouveau cadre d'exigences pour les bâtiments fait déjà l'objet de nombreux articles (1), même si, en tout début d'année, tout n'est pas finalisé.
Certaines tendances divisent le monde de la construction:
– le retour en force de l'électricité avec, principalement, la réduction du coefficient «énergie primaire» de 2,58 à 2,3 et l'impact carbone du chauffage électrique qui passe de 210 g eqCO2 / kWh du référentiel E + C – à 79 g eqCO2 / kWh! (2)
– la fin du gaz non renouvelable (le carburant a déjà été oublié).
– le bonus aux matériaux biosourcés, en particulier aux systèmes de construction bois, amplifié avec la méthode dynamique ACV qui minimise paradoxalement les impacts du recyclage et de la réutilisation !!!).
– la promotion des énergies renouvelables à des degrés divers.
– l'abandon à court terme des énergies fossiles et des systèmes de construction traditionnels (béton classique, terre cuite, etc.).
– la volonté d'être plus pédagogique pour prendre en compte le confort d'été.
Cette liste non exhaustive d'options plus ou moins formalisées (3) mérite des commentaires, point par point. Les textes sont encore susceptibles de bouger. Cette humeur ne guérira que quelques-uns.
La RE 2020, 2021 … un calendrier mal adapté
Avec l'avènement de la RE (régulation environnementale), comment pouvons-nous bouleverser tout le monde de la même manière? La critique est trop facile quand l'art est si difficile!
Il faut tout d'abord saluer l'énorme travail collectif mené par l'administration. Ne pas brosser les cheveux du DHUP dans le bon sens (serait-il poilu?), Mais noter que les projets de décrets et décrets en circulation depuis décembre 2020 montrent un réel souci de satisfaire le plus de monde possible. « Attentes tout en étant contraints en substance et en forme par des autorités très «supérieures».
À ce jour, les grandes lignes des besoins futurs sont compréhensibles mais reposent, semble-t-il, sur de nombreuses incertitudes.
L'expérience E + C- a été trop peu exploitée par l'administration. Cependant, la variété des projets labellisés témoigne de l'intérêt que les acteurs ont porté à trouver des solutions pertinentes dans ce nouveau domaine des contraintes énergie-carbone. Mais il n'y avait pas assez de temps pour analyser ces retours de terrain. Le temps politique est en décalage avec le temps technique. Nous devons agir rapidement …
15 amendements aux projets de décret et de décret, présentés en décembre 2020, ont été formulés principalement par des constructeurs et des promoteurs et récemment transmis via le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE).
Ces formations veulent, entre autres, prolonger l'échéance jusqu'en 2022. Pour le moment, le DHUP s'en tient au calendrier prévu dans le projet de décret: application au logement, aux bureaux et à l'enseignement primaire et secondaire au 1er juillet 2021.
L'hexagone sans carbone ou électrovore
Faire connaitre ! Fini les énergies non renouvelables et carbonées. Depuis le protocole de Kyoto en 1997, nous avons pratiquement stagné en prétendant diviser nos émissions de GES par 4 en 2050.
Nous sommes au pied d'un mur qui n'a cessé de grandir. Comment faire concrètement? Très simple: on s'arrête aux carburants et au gaz et on massifie les énergies non carbonées. Lesquels?
Tout le monde les connaît: énergies renouvelables, soleil, bois (à condition de planter l'équivalent de ce que vous brûlez), éolien, hydraulique, … et électricité récemment parée d'un coefficient de conversion CO2 miraculeusement bas pour le chauffage, sûrement grâce au nucléaire, notre chère base énergétique franco-française.
Ce magnifique talon d'Achille, unique au monde, devrait être LE modèle de la planète. Nos décideurs politiques et industriels persistent à vouloir le démontrer. Les perspectives énergétiques des grands pays consommateurs d'électricité ne semblent pas aller dans ce sens, même si quelques EPR sont vendus ici et là. Pour la plupart des autres pays, cette solution est trop chère. SFEN (5) trompettes que 36 pays auront l'électricité nucléaire en 2040 contre 31 actuellement. Ces chiffres teintés d'optimisme pour ce secteur occultent deux informations: d'une part, pour les nouveaux arrivants, la part du nucléaire sera évidemment faible, et d'autre part, au niveau mondial, la croissance de la demande d'énergie nucléaire. . l'électricité est estimée à 2% / an, soit environ + 50% d'ici 2040. Clairement, l'uranium ne pourra pas assurer une telle évolution!
Cette croissance annuelle de 2% ne sera pas distribuée principalement aux pays émergents. La boulimie électrique des pays développés est sans fin (faim) car elle est formatée surtout par deux industries dominantes: la communication (les GAFA et leurs équivalents chinois) et l'automobile.
L'image d'Epinal du futur qu'elle nous impose est celle d'un individu équipé de son 6G, dans une voiture électrique autonome, qui ne perd pas un instant en télétravail en voyageant silencieusement dans la ville entre les arbres et les tours en bois plein de capteurs de toutes sortes.
Une ville du futur digne d'Orwell et un contrat de mariage entre high-tech et nature très "electrovore".
La modernité choisie pour nous… mais pas par nous!
La 5G à peine émergente est déjà dépassée par la 6G, qui sera probablement encore plus électrovore. Les grands opérateurs de communication l'envisagent à partir de 2028-2030 pour «proposer» de nouveaux usages (mais nous ne leur demandons rien …). Parmi ceux-ci, les «jumeaux numériques» ou clones numériques répliquant des objets, des machines, des humains, voire des lieux, comme une usine, une école, un bureau. Un individu pourrait virtuellement participer à une réunion et interagir, tout en étant physiquement de l'autre côté de la planète. Fini la formation en présentiel et à distance, voici la "télé-présence"!
Au minimum, nous ne devons pas inventer de nouveaux besoins, dont le but premier est de perpétuer ou de développer davantage des profits colossaux. Il est impératif de préserver l'électricité pour qu'elle puisse remplir des fonctions qu'elle seule peut assurer.
Pourtant, en France, les attentats contre le secteur de l'électricité déjà constatés il y a un an (peut-être pour se venger du RT 2012, soit dit en passant, très pro-gaz), semblerait avoir enfoncé les portes pour de bon. On risque de revenir au chauffage électrique et de commencer à banaliser la climatisation électrique dans les bâtiments. Et ce, à la fois en construction avec le RE 2020 et dans l'existant avec la nouvelle version du DPE utilisant un affichage d'énergie final. L'ajout de choux et de carottes ne dérange pas nos décideurs. Nous devrons réformer certains contenus pédagogiques à l'Education nationale!
L'essence de notre politique énergétique se résume donc à consommer de plus en plus d'électricité, et donc à redévelopper le nucléaire car, bien entendu, on considère en France que les malheureuses petites énergies renouvelables si intermittentes ne peuvent pas répondre à ces besoins croissants! … et ce, en flagrante contradiction avec le PPE élaboré en décembre 2018 et confirmé en avril 2020 (4). Pour l'image, un siège rabattable sera réservé aux énergies renouvelables.
Et puis, un autre décès annoncé, celui des systèmes de construction à base de carbone! La priorité au bois et aux matériaux biosourcés, sera accentuée par le choix d'une méthode dynamique de calcul du carbone qui amplifie l'intérêt réglementaire pour leur utilisation.
Donc, comme pour toute nouvelle réglementation, il y a ceux qui pleurent et ceux qui rient. Et ceux qui s'adaptent avec plus ou moins de bonne foi. Certains matériaux ou systèmes deviennent miraculeusement «bas carbone». Nous devrons être extrêmement vigilants en ce qui concerne l'approvisionnement industriel.
La pompe à chaleur indispensable? Un confort d'été traité par la banalisation de la climatisation?
Quelles sont les options pour produire de la chaleur ou du froid «à faible teneur en carbone»? Une fois le pétrole et le gaz éliminés, il y a l'électricité, avec un nouveau coefficient équivalent CO2 qui la rend soudain beaucoup plus vertueuse, et les énergies renouvelables.
Dans ce paysage, il est clair que le pompe à chaleur prendra la part du lion. Si les exigences du RE 2020 permettent la réapparition des convecteurs électriques et des pompes à chaleur air / air.
Ce sujet fait l'objet de vives discussions car le secteur de l'électricité semble frappé d'amnésie face aux inconvénients déjà observés sur un parc impressionnant de logements construits entre 1980 et 2010.
L'électricité est trop difficile à produire pour la gaspiller en produisant de la chaleur! Il est trop nécessaire de couvrir d'autres besoins électriques en constante augmentation, qui ne sont malheureusement pas inclus dans le champ réglementaire avec la disparition du bilan Bepos du référentiel E + C-.
Mais alors, docteur, que faire?
Concernant le projet RE 2020, on peut s'accorder sur quelques idées banales, dont certaines méritent d'être réintégrées dans le cadre RE à la dernière minute ou, à défaut, le futur label réglementaire :
à) Prôner la frugalité électrique pour d'autres usages électriques, bien plus consommateur que les 5 postes du RE, en informant et en encourageant sur des questions de comportement, de gestion, de mobilité collective ou légère. Symétriquement, nous devons déchiffrer et dénoncer le battage médiatique et publicitaire sur la 5G et les voitures électriques individuelles.
b) Prôner la frugalité pour le chaud et le froid comme le fait timidement le Bbio et s'il est nécessaire de produire des calories ou des frigories, privilégiez si possible l'utilisation d'énergies bas ou pas de carbone comme les réseaux urbains, le solaire … en particulier pour l'ECS (la France est scandaleusement en Pack européen), bois, biogaz.
contre) Si seule l'électricité est possible, prescrire des pompes à chaleur "xxx / eau" avec 3 contraintes : non-réversibilité contrôlée pour les bâtiments de catégorie CE1, un COP élevé et un GWP restrictif, en particulier pour les systèmes non monoblocs. Nous devons empêcher l'entrée du cheval de Troie de la climatisation inutile incarnée par des pompes à chaleur réversibles.
Sinon, on n'aura pas à pleurer dans 10 ans quand on remarquera des pointes électriques estivales beaucoup plus fréquentes et beaucoup plus gazeuses que celles d'hiver!
ré) Si le client demande la climatisation pour un bâtiment de catégorie CE1, Ensuite, les ER doivent pouvoir le tolérer mais uniquement avec des solutions d'énergies renouvelables et sans rejet de chaleur à l'extérieur des sites urbains: réseau urbain froid vertueux (il existe des systèmes tri-génération), pompe à chaleur à absorption solaire, bois, biogaz ou pompe à chaleur avec compression électrique fournie par PV … tous ces systèmes devant recycler la chaleur (par exemple, préchauffage d'ECS, alimentation process, …).
Concernant le confort d'été et le "DH" (degrés-heures froids)
Le confort d'été, un sujet majeur en neuf et en rénovation
Sujet incontournable à la fois en conception et en rénovation, le RE se présente comme un outil à connotation pédagogique. Tic et Ticréf de RT 2012 a cédé la place aux «DH» (degrés-heures froids) qui sont censés être plus pertinents en tant que paramètre d'exigence réglementaire.
Théoriquement, c'est vrai. Le Tic n'était pas représentatif d'un minimum de mérite pour le confort d'été puisqu'il exprime un record de température atteint dans le bâtiment. Ceci n'est valable que pour le moment considéré et non pour une période de plusieurs semaines ou mois.
DH représente un nombre d'heures cumulé pondéré par une intensité d'inconfort. Les catégories d'été CE1 et CE2 de RT 2012 sont maintenues, mais leurs définitions diffèrent: la situation CE2 correspond aux trois conditions suivantes: zone de bruit Br2 ou Br3 + zone climatique H2d ou H3 + bâtiment climatisé. Si au moins une de ces conditions est manquante, la situation est CE1.
Si le bâtiment est CE1, il est supposé ne pas être climatisé et sa DH ne doit pas dépasser un certain «seuil bas». Ceci est fixé à 350 pour le logement. Si DH dépasse 350, une pénalité d'énergie primaire fixe est allouée au projet. Cette surconsommation est proportionnelle à la différence de dépassement de ce seuil … jusqu'à un "seuil haut" au-delà duquel le projet n'est pas conforme (= 1250 en logement). Si le bâtiment est CE2, alors la consommation de climatisation du projet est bien évidemment comptabilisée, sans consommation supplémentaire forfaitaire. Cependant, le projet ne doit pas non plus dépasser un seuil élevé égal à 1850 en logement.
Ce nouveau cadre est intéressant tant qu'il n'incite pas les gens à dépasser le seuil des 350 en installant la climatisation! Il a été vérifié que la consommation de climatisation serait supérieure ou égale au forfait. Mais vous devez être sûr que ce paramètre est durable et également bien sécurisé pour d'autres types de bâtiments.
Durable, car l'offre industrielle évoluera positivement avec une augmentation du coefficient d'efficacité frigorifique (EER). Le forfait «malus» devra alors être abaissé pour ne pas dépasser la consommation liée à une production de froid standard moins élevée. Du coup, les acteurs seront plus enclins à la climatisation si le malus diminue! Alors, il peut être nécessaire d'abaisser le seuil bas … oui, mais on se dirige vers des étés de plus en plus rigoureux!
Aussi, cette exigence en DH, qui semble bien pensée et équilibrée, mérite un raffinement et un scénario de son évolution. Peut-être faudrait-il imaginer un calendrier de seuils DH entre 2020 et 2030 intégrant les facultés croissantes d'auto-adaptation des occupants …
Une non-conclusion
Ces premiers sujets sont loin d'être épuisés. Et il y a beaucoup d'autres sujets qui méritent déjà d'être abordés et discutés. Compte tenu de la portée de la future RE 2020, elle fera l'objet de nombreuses critiques. Nous avons collectivement un bon os à mâcher!
Il faut rappeler que le CR est le reflet des acteurs de la construction, de leur rapport de force interne, de leur savoir-faire, de leur volonté d'agir sur un chemin commun.
À cet égard, la Réglementation Environnementale est un formidable outil de réflexion, de questionnement et d'enseignement pour insérer au quotidien le sujet carbone dans les projets.
Compte tenu de l'urgence d'agir avec force, l'effet d'entraînement de la RE vers des constructions de plus en plus vertueuses suppose au moins:
– laisser les vrais convaincus, «Les bons élèves», «les militants» jouent leur rôle de locomotive, d'éperon, d'explorateurs, d'expérimentateurs. L'ER ne doit pas être un frein administratif ou trop normatif. Cela vaut aussi bien pour la conception que pour les matériaux et les systèmes.
– résister à la pression de certains lobbies qui ne veulent pas changer leur business model qui leur suffit à court terme. Rétrospectivement, depuis 2000, 10 ans ont été perdus dans le traitement de certains ponts thermiques ou encore, dans 20 ans, le développement des énergies renouvelables reste assez insuffisant. Comme le décrit Pascal Poggi (1), les "conservateurs" n'hésitent pas à demander à la fois de planifier et de retarder l'urgence … de très petits pas et le plus tard possible. Nous devons changer d'ère.
Il est encore temps de nous souhaiter une année 2021 positive avec la fin de la pandémie et une banalisation sereine de la Réglementations environementales ….
- A lire ou relire par exemple, la synthèse pertinente de Bernard Reinteau: «RE 2020: les défis de la révolution de la construction» – 14 décembre 2020 – Xpair ou le portrait réaliste de la lutte actuelle des lobbies pour influencer les revendications et le calendrier de Pascal Poggi – "RE 2020: fortes demandes de report à 2022, planification des besoins" – Batirama.com – 13 janvier 2021.
- Une volonté politique confirmée par Emmanuel Macron exprimant ses préférences en matière d'électricité nucléaire lors de sa visite aux Usines du Creusot fin 2020.
- La concertation entre le DHUP et les acteurs de la construction se poursuit, tant sur le contenu du projet de décret que sur le calendrier.
- Décrets du 23 avril 2020 portant programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et stratégie nationale bas carbone (SNBC) de la France pour 2028.
- SFEN. : Société française pour l'énergie nucléaire.
A propos de l'auteur
Bernard Sesolis
Consultant Energie – Environnement, Docteur en géophysique spatiale environnementale, Bernard Sesolis possède une solide expérience tant dans les secteurs public (Ministère de l'Equipement) que privé (fondateur et directeur de Tribu puis Tribu-Energie). Auteur de nombreux ouvrages, il est également impliqué dans plusieurs associations (AICVF, Effinergie, ICEB …). il poursuit actuellement ses activités de conseil et de formation dans le domaine des bâtiments respectueux de l'environnement et soucieux des usagers
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