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un sentiment d’agribashing dans l’air

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un sentiment d’agribashing dans l’air

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Le 57e Salon International de l'Agriculture de Paris a ouvert ses portes samedi, dans un contexte de remise en cause d'une partie des pratiques du métier. Ambiance sombre dans les pavillons de la plus grande ferme de France.

Dans les allées du 57e Salon de l'Agriculture, il règne une ambiance amusante. Rien à voir avec l'odeur de la bouse de vache et du fumier de porc. Plutôt une impression de malaise qui embrasse les paysans dès qu'il faut quelques minutes pour les approcher. Un sentiment de dénigrement, un climat de suspicion planant sur le monde agricole qui porte récemment un nom: "agribashing".

"Des tensions se font sentir sur l'élevage et le bien-être animal, sur l'agriculture et l'utilisation des pesticides. Je ne tolérerai aucune violence contre les éleveurs", a averti Emmanuel Macron, la veille de sa visite à la Porte de Versailles, à quiconque essaie de faire un hoquet. Depuis plus de deux ans environ, des citoyens ou des associations environnementales convaincus de l'urgence d'un changement de méthode ont directement attaqué les agriculteurs pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme une utilisation excessive de pesticides ou des conditions de traitement indignes des animaux.

"Compte tenu du contexte actuel, pour qu'un jeune entre dans la profession, il a besoin d'une touche de folie", explique Sébastien Brishoual, producteur de porc à Quimperlé, en Bretagne. © Aude Mazoué

"Nous ne sommes plus sereins"

Les injonctions présidentielles ne font rien. L'agribashing semble s'être répandu dans la campagne française comme du fumier dans un champ. «Les attaques sont devenues récurrentes dans notre métier, déplore Sébastien Brishoual, à la tête d'une ferme de 300 truies et 265 hectares de terres agricoles, à Quimperlé, en Bretagne. Quand il n'est pas sur les réseaux sociaux, un de mes collaborateurs était récemment attaqué au sol par des passants qui lui avaient ordonné d'arrêter de soigner. Il peut leur avoir expliqué qu'il répandait de l'engrais liquide sur ses champs, qu'il n'avait rien de nuisible, les promeneurs ne voulaient rien entendre. tension à la campagne, nous sommes toujours obligés de nous justifier. Nous ne sommes plus sereins. "

«Le Salon de l'Agriculture est une manière de montrer notre travail aux consommateurs et de faire un pas vers l'autre», explique Stéphane Hirtberger, éleveur de moutons depuis 15 ans, à Chaumont, en Haute-Marne. © Aude Mazoué

Même son de cloche quelques dizaines de mètres plus loin. "L'agribashing est à l'ère du temps, note Stéphane Hirtzberger, éleveur de moutons depuis 15 ans, en Haute-Marne. Comme si on ne s'occupait pas de notre outil de travail, que sont le sol et les animaux", laisse aller l'éleveur désabusé.

L'agriculture biologique ne fait pas exception. «Un de mes employés a été frappé par un cycliste avec un casque alors qu'il traitait avec de la bouillie bordelaise», explique Pierre Sylva, producteur de pommes et de plantes biologiques de 28 ans en Lot-et-Garonne. Oui, ce traitement naturel contient du cuivre, mais il représente 500 grammes sur quarante hectares, cela ne veut rien dire. Même au salon, on nous dit régulièrement que le bio n'existe pas, que nous polluons encore … "

"On entend régulièrement sur l'émission, que le bio n'existe pas, que l'on pollue aussi", note Pierre Sylva, producteur de pommes bio "Juliette" du Lot-et-Garonne. © Aude Mazoué

"Il faut croire qu'en communication, nous ne sommes pas bons"

Selon les agriculteurs, le dénigrement commence sur les réseaux sociaux, dans la presse et se termine dans les fermes sous la forme de lettres anonymes, d'insultes, d'attaques physiques ou d'intrusions dans les fermes pour filmer les animaux ou casser du matériel. Un phénomène devenu tel que depuis octobre 2019, le ministère de l'Agriculture a mis en place l'unité nationale Demeter. Un appareil répondant au doux nom de l'ancienne déesse des récoltes pour rendre compte des attaques perpétrées contre des acteurs du monde agricole. Depuis son lancement, il a enregistré une quarantaine d'attaques par jour dans le secteur agricole français.

Pour sa 57ème édition, le Salon de l'Agriculture jouer la carte d'ouverture. Avec le thème «L'agriculture à votre écoute», le monde agricole affiche sa volonté de transparence et de dialogue, pour expliquer au grand public ses pratiques. "Nous venons à la foire autant pour des raisons commerciales que pour notre image", a expliqué l'éleveur de moutons. Il faut croire qu'en communication, nous ne sommes pas bons. Pourtant, les progrès sont là, l'agriculture n'a jamais été aussi propre au cours de la dernière décennie. "

Chacun essaie alors d'expliquer les nouvelles méthodes vertueuses appliquées à leur exploitation. Sébastien Brishoual privilégie les circuits courts: il produit lui-même les céréales qui nourriront les porcs, garanties sans antiobiotiques. Avec l'aide d'une start-up, il a également installé une pompe à chaleur qui récupère celle produite par les animaux pour chauffer les bâtiments. Quant aux produits sanitaires, il propose les services d'un conseiller pour une utilisation minimale et optimisée des soins. Par conséquent, il n'utilise qu'un quart des doses recommandées par les autorités sanitaires. "Il est vrai qu'il y a trente ou même cinquante ans, nous n'avions peut-être pas travaillé avec les bonnes méthodes, reconnaît l'éleveur breton. Mais aujourd'hui, les techniques ont radicalement changé. Quand je montre mon exploitation, les gens en sortent toujours asservis . Ce qui est injuste, c’est que nous sommes jugés sans connaître tous les progrès réalisés dans le domaine de l’environnement. "

Le comble du paradoxe. Plus de huit Français sur dix déclarent avoir une bonne ou une très bonne opinion des agriculteurs, selon une enquête Odoxa-Dentsu Consulting pour Franceinfo et Le Figaro réalisée en février 2019.

Agribashing, un sentiment "fantasmé"?

Pour Eddy Fougier, politologue et consultant, ce ne sont pas les agriculteurs qui sont interrogés mais «le mode de production agricole conventionnel et ses différentes caractéristiques», écrit-il dans un rapport réalisé pour le compte de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, en septembre 2018. Ou: «L'utilisation des produits phytosanitaires et biotechnologies, l'élevage intensif, les grandes exploitations, l'agriculture orientée vers l'exportation, etc. "

D'autres vont plus loin. selon François Veillerette, directeur de l'association Future Generations, "l'agribashing n'existe pas". Ce sentiment "fantasmé" est le résultat d'une campagne "scandaleuse" orchestrée par la FNSEA dont "le but n'est pas seulement de renverser certaines réformes contraignantes, mais aussi de restreindre la liberté d'expression des personnes ou des organisations critiquant le système agricole actuel", explique le militant écologiste.

Tout le monde jugera. Agribashing ou non, la solitude des agriculteurs, les conditions de vie difficiles, ajoutées aux difficultés financières récurrentes posent un constat implacable: selon les chiffres de la Mutualité sociale agricole, en 2019, plus de deux agriculteurs se sont suicidés tous les jours en France.

Infographie du salon de l'agriculture 2020
Infographie du salon de l'agriculture 2020 © France 24 Infographie



source:, https://www.france24.com/fr/20200223-salon-de-l-agriculture-un-sentiment-d-agribashing-dans-l-air