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Le canal de Briare : le plus ancien canal à bief de partage

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Le canal de Briare : le plus ancien canal à bief de partage

En 1586, après l'assassinat d'Henri III, les Valois cèdent la place aux Bourbons. A Paris, leur représentant, Henri IV, doit affirmer une autorité royale affaiblie par les guerres de religion. Sa conversion au catholicisme inaugure un programme de reconstruction nationale qui doit s'articuler autour d'une politique de grands travaux. Le canal de Briare y occupe la première place.

Approvisionnement Paris

Ce choix est dicté par les besoins d'approvisionnement. Parce que Paris est victime d'un double handicap. La Seine ne peut être remontée à cause de ses trop nombreux méandres. En revanche, le fleuve se jette dans la Manche, dont les conditions de navigation sont difficiles et menacées par l'Angleterre. Le grand axe commercial français était alors la Loire. Nous avons ensuite navigué sur la Loire de Nantes à Nevers, avec des bateaux à fond plat mesurant parfois plus de 70 tonnes. A son embouchure, le port de Nantes, ouvert sur l'Atlantique et le Nouveau Monde, est à l'abri de toute convoitise étrangère. Et son axe ouest-est permet d'utiliser les vents d'ouest dominants pour son ascension, la descente étant assurée par le courant. Enfin, le cœur de la France, que la Loire irrigue avec tout son bassin, intègre des productions agricoles et artisanales très importantes qui ne parviennent à Paris qu'après une rupture de charge à Orléans.

Faciliter le transport

Au début du XVIIe siècle, le transport routier était à la fois long et coûteux. Une voiture tirée par six chevaux et conduite par deux hommes, transporte 1 500 kg de charge par jour sur une distance d'environ 50 km tandis qu'un bateau transporte 30 tonnes sur la Loire. La route de l'eau est beaucoup moins chère que la route terrestre. Il offre également de plus grands avantages de sécurité et de conservation des marchandises transportées. La localisation de Briare était dictée par la possibilité de développer la Trézée. Se jetant dans la Loire, près de Briare, ce fleuve a servi de repère pour le tracé du canal de jonction vers le Loing, affluent de la Seine. Déjà, au 14ème siècle, Charles Quint avait pensé à un «canal de Loire en Seine», mais, du rêve à la réalité, le concept mettra deux siècles à devenir techniquement crédible. C'est l'œuvre d'un génie Tourangeau, Hugues Cosnier.

L'inventeur de la chaîne de Briare: Hugues Cosnier

A 28 ans, Hugues Cosnier, né en 1573, est un ingénieur qui a déjà à son actif la construction d'écluses, de canaux et le développement des ports de la Loire. Sa connaissance du dossier est parfaite. S'il acquiert l'étang du Petit Challoy en 1601, c'est parce que cette pièce du puzzle hydraulique est essentielle à la réussite d'une entreprise à laquelle il se prépare depuis des années et pour laquelle il ne s'est pas laissé aller à l'erreur. Cet étang est un point d'appui fondamental pour l'alimentation en eau du bief de cloisonnement, qui n'a jamais été franchi, et pour lequel les experts s'apprêtent à remettre un projet qui s'avérera impossible à réaliser. Le génie de Cosnier découle de cette capacité d'anticipation et d'orchestration des différentes structures techniques, sociales et même financières dont dépend la réalisation de son œuvre.

Pour traverser le plateau du Rondeau établissant la ligne de partage des eaux entre Loire et Seine, Cosnier a imaginé un escalier d'écluses alimenté en eau grâce à la présence de plusieurs étangs.

Le 17 janvier 1604, devant le roi dans son château du Louvre, seuls deux soumissionnaires, dont Hugues Cosnier, étaient présents. Déçu par le petit nombre de candidats, Henri IV a décidé de reporter la vente aux enchères au 5 février. Quatre hommes sont en lice, dont Hugues Cosnier, qui finira par gagner avec une offre de 505 000 livres "à l'extinction de la bougie, sans avoir trouvé personne qui voulait en dire moins". Il est donc déclaré adjudicataire dans les conditions stipulées dans le contrat. Les travaux doivent être achevés dans un délai de trois ans. La somme convenue sera réglée en six versements égaux, six mois en six mois. À titre de garantie, Cosnier doit fournir un acompte de 84 166 livres pour les avances qui lui ont été faites et de 40 000 livres pour l'achèvement des travaux.

La construction du canal de Briare: une épopée 37 ans

Les travaux du canal de Briare débutent le 20 juin 1605. Douze mille hommes sont mobilisés pour les fouilles et les terrassements qui déclenchent aussitôt la colère des expropriés. Les vraies batailles nécessitent l'envoi de six mille soldats. Installé à Briare, Cosnier reçoit régulièrement la visite de Sully et Henri IV qui approuvent ses premières modifications. Le plan initial prévoyait des écluses en bois. Cosnier les construira en maçonnerie et plus longtemps. Quant à la traversée du bassin versant, elle proposait de réduire la distance établie par les experts et de rejoindre une série d'écluses imprévues afin de franchir le formidable plateau du Rondeau. Henri IV suit avec intérêt le développement d'un site qui sera brutalement arrêté à cause de Ravaillac.

A la fin du XIXe siècle, Freycinet impose un plan de modernisation des moyens de communication, notamment les canaux. L'écluse a été relevée à 38,50 mètres et d'importants travaux ont été réalisés sur le canal de Briare, comme le contournement du site de Rogny-les-Sept-écluses ici.

Pendant près de vingt ans, le canal de Briare a été abandonné. La disgrâce de Sully, suite à la mort d'Henri IV, porte un coup terrible à l'entrepreneur qui ne désarme pas, et parvient à intéresser le marquis d'Effiat, surintendant des finances. De nouveaux plans sont élaborés, mais la mort de Cosnier en 1629, puis celle du marquis d’Effiat en 1632 mettent temporairement fin au projet du canal Loire-Seine.

En 1635, trois candidats à la reprise du travail se présentent: trois bourgeois de l'administration des finances. Guillaume Boutheroue est receveur d'aides et de taille, son frère François est un bourgeois d'Orléans. Le troisième, Jacques Guyon, est également receveur des aides et des tailles. Ensemble, ils imaginent un montage financier audacieux pour achever les travaux "à leurs frais et à leurs frais ». Par lettres patentes, Louis XIII, en 1638, approuva leur offre en limitant le délai de réalisation à quatre ans. Les trois partenaires deviennent propriétaire du canal et de toutes ses dépendances, avec le droit de l'utiliser à leur profit exclusif. En même temps, le roi leur accorde des lettres de noblesse «pour eux-mêmes et leurs descendants en considération des services qu'ils promettent de rendre au royaume.".

Le pont-canal de Briare est ouvert à la navigation le 16 septembre 1896 à 8 heures du matin.

du matin.

Le canal de Briare est inauguré en septembre 1642. Mais à cette époque, un court passage subsiste à Briare entre les écluses de Mantelots, point de contact avec le canal latéral, et le grenier, porte d'entrée du canal de Briare. Cette traversée de la Loire, qui durera jusqu'à la construction du pont-canal, est réalisée par un chenal aménagé en travers du fleuve sur un kilomètre. Deux digues submersibles canalisent l'eau pendant les périodes de faible débit. Cette traversée est très délicate.

Le pont-canal de Briare: l'un des plus beaux ponts-canaux métalliques d'Europe

À la fin du XIXe siècle, la révolution industrielle impose de nouvelles règles. A partir de 1882, le ministère Gambetta est balayé. Le nouveau président du conseil est Freycinet. Ce polytechnicien propose un projet audacieux: la modernisation des voies de communication, en particulier les canaux, et l'ouverture de grands projets pour relancer l'économie. Le sas de l'écluse a été relevé à 38,50 mètres et d'importants travaux ont été réalisés sur les canaux de Briare, comme le contournement des sites de Rogny et du Centre. Traverser la Loire entre Châtillon sur Loire et Briare devient désormais inconcevable.

Vue aérienne du pont-canal de Guetin.

En revanche, l'affaissement du bateau est porté à 1,80 mètre, tandis que la profondeur de l'eau entre les écluses à chars et Mantelot est en moyenne de 1,50 mètre. Le projet d'un pont-canal sur la Loire devient donc incontournable. Léonce Abel Mazoyer, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées est chargé de l'élaboration des plans. L'importance des crues de la Loire nécessite une structure puissante dans ses fondations mais une structure souple et légère pour accueillir une voie navigable contenue dans un bassin qui doit traverser la Loire sur plusieurs centaines de mètres. Nous sommes à la fin du 19ème siècle et les ingénieurs des Ponts et Chaussées font l'expérience d'une créativité qui change l'architecture et les structures mêmes de leurs œuvres. Les travaux débutent en 1890, avec l'attribution de la société Eiffel. Ils se sont poursuivis jusqu'en 1896 où nous avons procédé, à titre expérimental, au remplissage des biefs reliant le pont-canal au canal de Briare et au canal latéral à la Loire, ainsi qu'au pont-canal lui-même. même. Ces essais donnant satisfaction, l'ancrage est porté à 2 mètres, puis à 2,20 mètres. La longueur de la structure au-dessus de la Loire est de 600 mètres pour une hauteur de 11 mètres, mais sa longueur totale, y compris la traversée de l'ancien canal, est de 662,69 mètres. Il comprend 14 piles, 2 culées et 15 travées de 40 mètres. Le point fixe se trouve sur la 8e pile, le pont s'étendant de chaque côté. La partie métallique pèse 3 053 tonnes et le poids de la structure de l'eau est de 13 680 tonnes. Le pont-canal a été ouvert à la navigation le 16 septembre 1896 à 8 heures du matin.

Les dépenses totales, pour le seul pont-canal, s'élevaient alors à 2 864 000 francs.

Rogny-les-7-écluses: l'exploit de Cosnier

Pour traverser le plateau du Rondeau établissant la ligne de partage des eaux entre la Loire et la Seine, les erreurs de calcul des experts ont rendu impossible le franchissement de cet obstacle naturel, ce qui n'avait jamais été fait auparavant. Cosnier a immédiatement proposé sa solution. Au lieu de suivre la Trézée, le canal se dirigerait vers le plateau du Rondeau où Cosnier avait imaginé un escalier d'écluses alimenté en eau grâce à la présence de plusieurs étangs. Cet itinéraire a complètement changé la conception originale du canal. En effet, les experts n'avaient envisagé que de canaliser la Trézée et le Loing, puis de rejoindre ces deux rivières par un chenal reliant leurs parties les plus proches. Cosnier, il a proposé "nouveaux canaux le long des collines pour permettre le passage des grands bateaux de la Loire". Ce nouveau tracé plus court a été approuvé par le Conseil du Roi le 30 décembre 1604. Ces écluses attenantes de 35 mètres de long et 5,15 mètres de large permettraient de réaliser d'importantes économies, le nombre de portes étant réduit de moitié. En revanche, ces ouvrages étaient plus forts car ils se soutenaient mutuellement. L'état actuel de conservation le prouve. En revanche, la traversée des bateaux était impossible. Mais, au 17ème siècle, les traversées étaient en petit nombre, puisque 90% des bateaux se sont dirigés vers Paris où ils ont été déchirés, leurs coques et structures étant notamment réutilisées en bois de chauffage.

Un innovateur audacieux

Sur le parcours Briare-Rogny, Cosnier avait fait le travail d'un inventeur en construisant pour la première fois un canal traversant la ligne de partage des eaux. Entre Rogny et Montargis, il allait à nouveau bousculer les schémas établis. Les deux versants de la vallée du Loing, hauts de 30 à 40 mètres à Rogny, s'abaissent progressivement pour atteindre une dizaine de mètres à Montargis. Cosnier a donc décidé d'établir une succession de biefs, tantôt sur un versant, tantôt sur l'autre, mais jamais au milieu. Il créa ainsi un canal entièrement nouveau et non l'élargissement d'une rivière avec de nombreux méandres, sur des masses d'alluvions lâches et de terres perméables. Ici encore Henri IV et Sully approuvent ces modifications, et un décret du Conseil du Roi du 6 février 1610 exige même: "qu'à la fois pour éviter les grandes crues et les débordements de rivières, pour faire les soi-disant nouveaux canaux le long des crouppes des montaignes". Le tracé a été si bien étudié qu'il n'a pas été modifié lors de la révision du canal en 1882 après le rachat par l'Etat.