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Le bois, énergie d’avenir ? Oui, mais…

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Le bois, énergie d’avenir ? Oui, mais…

Quand on parle d'énergies renouvelables, les premières images qui me viennent à l'esprit sont plus comme des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques. Et pas tant d'arbres. C'est oublier que ce qu'on appelle la biomasse solide – c'est-à-dire essentiellement le bois – constitue en France la première source d'énergie verte. En 2018, les énergies renouvelables représentent 28 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) sur la consommation primaire* Conseil Chauffage de 249 Mtep. Et sur ces 28 Mtep renouvelables, la biomasse solide arrive en tête avec 10,6 Mtep (soit près de 40%), suivie de loin par l'hydraulique (5,6 Mtep), l'éolien ne représentant que 2, 4 Mtep et le photovoltaïque toujours marginal (0,9 Mtep) .

Une forêt en pleine croissance

À l'avenir, pour atteindre ses objectifs climatiques, la France prévoit de brûler encore plus de bois. Le programme énergétique pluriannuel (EPI), dont la dernière version a été publiée pour consultation le 20 janvier avant son adoption définitive, veut augmenter la production de chaleur à partir de la biomasse solide de 120 TWh* en 2017 à 145 TWh en 2023, puis atteindre en 2028 une fourchette comprise entre 157 et 169 TWh.

Ces objectifs sont-ils raisonnables? La France ne brûle-t-elle pas déjà trop de bois? Au contraire, ne devrait-il pas moins exploiter ses forêts? A la vue d'une tronçonneuse, notre sang écologique ne fait que circuler, mais on oublie souvent les ordres de grandeur. À la veille de la Première Guerre mondiale, la forêt métropolitaine s'étendait sur 10 millions d'hectares. Aujourd'hui, il atteint près de 17 millions et continue de croître à un rythme de 90 000 hectares par an, selon l'inventaire forestier de l'Institut national d'information géographique et forestière (IGN), neuf fois la superficie parisienne. Surtout, l'exploitation forestière est bien inférieure à la croissance biologique de la forêt. Selon l'IGN, le stock de bois sur pied augmente en moyenne chaque année de 92 millions de m3, alors que les retraits sont de l'ordre de 50 millions de m3. Il est tout à fait possible d'obtenir plus de bois énergie de la forêt française qu'elle n'en produit actuellement, tout en préservant sa biodiversité et sa régénération.

Les freins sont situés à la fois en amont et en aval du secteur. En amont, le premier sujet est le manque de débouchés pour le bois. En effet, on ne coupe pas un arbre qui a mis plusieurs décennies à pousser pour le brûler mais à extraire ce qui fait l'essentiel de sa valeur économique: le bois de construction et la menuiserie. Ce qui est brûlé et / ou destiné à l'industrie papetière et aux panneaux (contreplaqué, médium, etc.) est constitué de sous-produits à toutes les étapes de la chaîne: les taillis nettoyés, les éclaircies pour permettre aux meilleurs arbres de pousser , les têtes d'arbres et de branches secondaires lorsqu'un sujet est abattu, tous les résidus de l'industrie du sciage, les palettes usagées, les vieux meubles mis dans les centres de recyclage, le papier et le carton … Si les tonnages brûlés représentent un peu plus de la moitié du volume de bois qui quitte la forêt, cette ressource énergétique est totalement dépendante de l'industrie du bois.

La meilleure valorisation énergétique de la biomasse solide implique donc davantage de bois (français) dans la construction et l'industrie du meuble. Parmi les nombreux obstacles à supprimer: les intérêts divergents des propriétaires forestiers et des industriels. La forêt française, et c'est sa richesse, est composée à 70% de feuillus, qui poussent deux fois moins vite que les conifères. Les propriétaires privés – qui détiennent ensemble 75% de la forêt métropolitaine – ont tendance à considérer que leurs chênes et hêtres valent deux fois plus que les pins, tandis que les industriels fermeraient si ce qu'ils achetaient au prix du pin devait être au prix du chêne et hêtre. En attendant un marché du bois franc attractif, l'existence d'une prise d'énergie peut au moins offrir aux propriétaires un moyen de payer pour l'éclaircissage et le défrichage de leur bois. Et réduisez le risque d'incendie dans le processus.

Stimuler la demande en aval

Mais encore faut-il, côté aval, que le chauffage au bois se développe. Les particuliers représentent 70% de la demande. Le programme énergétique pluriannuel vise à faire passer le nombre de maisons individuelles équipées d'inserts, de poêles et de chaudières de 7,5 millions en 2017 à 9,5 millions en 2023, puis entre 10 et 11 millions en 2028. Cependant, en raison de la pénétration croissante d'appareils performants ( comme celles étiquetées "Green Flame") et la baisse des foyers ouverts (dont le rendement est très faible), la demande de bois domestique ne devrait pas augmenter, mais rester stable (environ 80 TWh par an, selon PPE).

Pour rattraper son retard important dans ses objectifs de production de chaleur renouvelable, la France s'appuie donc largement sur le développement de grandes installations bois, typiquement des chaufferies couplées à des équipements collectifs (hôpitaux, écoles, logements sociaux) et / ou des réseaux de chauffage urbain. Le PPE souhaite augmenter la production annuelle de ces grandes unités d'environ 40 TWh d'ici 2028, soit presque le double. Cela représente plus de la moitié de l'effort envisagé pour développer la chaleur renouvelable dans tous les secteurs (bois, pompes à chaleur, géothermie, solaire thermique, biogaz).

"Ce secteur est aujourd'hui mature, mais il a un gros problème de compétitivité, lié au prix du gaz", rappelle Mathieu Fleury, président du Comité interprofessionnel de la dendroénergie (Cibe) et directeur de Biomasse Normandie, une structure qui, entre autres, conseille et accompagne les collectivités pour développer des chaudières à bois dans la région. A partir de 2014, la baisse des prix du gaz en Europe, liée au développement du gaz et du pétrole de schiste aux États-Unis, a fait beaucoup de mal à un secteur en plein essor, soutenu par une aide à l'investissement du fonds chaleur Ademe et une TVA réduite à 5,5%. Le nombre de candidatures candidates à la chaufferie utilisant Ademe, 140 par an en 2011-2012, est tombé à environ 50 en 2016-2017. À l'été 2017, la perspective d'une hausse de la taxe carbone a laissé le temps aux professionnels d'espérer et nous avons vu les projets sortir des sentiers battus. Mais son gel décidé fin 2018 a complètement anéanti cette dynamique et le secteur s'est depuis pratiquement arrêté.

Projets gelés

Aujourd'hui, en effet, selon les chiffres présentés par Cibe, le prix moyen à la consommation du chauffage au bois (qui intègre les aides à l'investissement du fonds chaleur et la TVA à taux réduit) parvient tout juste à égaliser celui du chauffage au gaz (au prix actuel et taxe carbone) les niveaux). Cela ne suffit généralement pas à convaincre d'opter pour la solution verte, plus complexe à mettre en œuvre que la solution grise. «L'augmentation de la taxe carbone nous a permis d'offrir aux maîtres d'ouvrage une économie de l'ordre de 10%. Cet écart de prix, nous ne l'avons plus, et ça a gelé les projets», déplore Mathieu Fleury. Les communautés qui, comme Caen, décident de continuer sont les exceptions du paysage.

En l'absence d'augmentation de la taxe carbone, la nouvelle version du PPE prévoit que le fonds chaleur passera de 250 millions d'euros en 2018 à 350 millions par an à partir de 2020. Il faudra voir ce que, sur cette augmentation, va allez chaudières à bois. Cela permettra-t-il de multiplier le nombre de nouveaux projets conformément aux objectifs du PPE, s'ils doivent être accompagnés en même temps pour améliorer leur rentabilité par rapport au gaz? Il y a lieu d'en douter.

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Consommation d'énergie primaire: il s'agit de la consommation totale d'énergie, y compris celle utilisée pour convertir une forme d'énergie en une autre (le gaz en électricité, par exemple).

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TWh: téra (mille milliards) wattheures.