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La cité-état martienne d’un million d’habitants n’est pas pour demain (1) – Exploration spatiale

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La cité-état martienne d’un million d’habitants n’est pas pour demain (1) – Exploration spatiale

L'US Mars Society a lancé un concours pour 2020 afin de reconnaître les meilleures propositions de faisabilité pour une «cité-État» martienne d'un million de personnes. Je ne participerai pas, contrairement à ce que j'ai fait l'année dernière avec Richard Heidmann (Association Planète Mars) et Tatiana Volkova en 2019 (EPFL) pour le concours sur la mise en place d'une première base de mille habitants. En effet, l'objectif me semble trop éloigné, c'est-à-dire qu'avant que la faisabilité d'une telle cité-État ne se pose réellement, les technologies nécessaires à son développement évolueront, en fonction notamment de la matérialisation de la première phase. Il me semble que nous devons laisser ce projet grandiose aux générations futures et nous consacrer entièrement au «premier pas». L'éditer nous permettra d'envisager la suite qui, pour le moment, n'est que de la science-fiction.

Cependant, je parle de ce concours pour mettre en évidence les contraintes (cette semaine) et jeter quelques idées pour cet avenir lointain (la semaine prochaine).

Les contraintes sont faciles à présenter car nous connaissons assez bien les nécessités du voyage et l'environnement martien. Ils résultent de la distance de Mars (du Soleil et de la Terre), de sa géologie (histoire planétaire, structure et composition géologique) et du fait qu'elle ne souffre de ne disposer d'eau et d'atmosphère qu'en quantités certes importantes mais limitées.

Le problème de distance a trois conséquences, l'irradiance sur l'orbite de Mars, le transport entre la Terre et Mars et le décalage temporel des télécommunications. L'éclairement énergétique de 492 à 715 W / m2 qui profite à l'orbite de Mars est un peu moins de la moitié de celle observée au niveau de l'orbite terrestre (1321 à 1413 W / m2) et il varie fortement en raison de l'excentricité de l'orbite de Mars (0,093 contre 0,017 pour la Terre). Cela a des conséquences sur l'utilisation de l'énergie solaire. Nous ne pouvons pas négliger cette contribution «naturelle»; vous devez l'utiliser, mais vous ne pouvez pas en être satisfait. Il faut bien sûr penser à la production d'énergie pour les multiples besoins de l'activité humaine, pour les serres utilisées pour la production de nourriture, mais aussi pour le chauffage des habitats. Nous en aurons besoin surtout la nuit lorsque la température chute très rapidement à -120 ° C mais même le jour lorsque la température est le plus souvent légèrement négative (dans la zone intertropicale) et lors des tempêtes de poussière qui peuvent être globales et durer plusieurs semaines.

La distance entre les deux planètes restera toujours la même, de 56 à 400 millions de km, et la masse utile optimale sur l'énergie dépensée impliquera toujours un voyage de 6 à 9 mois pour parcourir un arc de quelque 600 millions de km pour parcourir la distance de 400 millions de km en ligne droite. On peut aller un peu plus vite (4 mois?) Surtout si on arrive à développer des vaisseaux à accélération continue (propulsion nucléaire ou photonique) mais en mode de propulsion chimique toute accélération impliquera plus d'énergie et donc moins de masse transportée utile (sans oublier que l'ascension en orbite terrestre devra toujours se faire en propulsion chimique). Enfin, nous n'allons pas "nous amuser" d'une planète à essayer de rejoindre l'autre en dehors de la période favorable du cycle synodique et la conjonction favorable ne se produit que tous les 26 mois. Il en sera toujours ainsi. Ainsi, les voyages Mars – Terre – Mars resteront longs, coûteux, peu fréquents (par rapport aux voyages autour des globes terrestres ou martiens) et les volumes transportés seront toujours limités. Dernier "détail" qui renforcera l'isolement relatif, les voyageurs seront plus exposés aux radiations pendant le voyage que pendant leur séjour ou leur vie sur Mars (et bien sûr sur Terre). Par conséquent, personne ne "s'amusera" à faire une multitude de voyages non plus. Trois ou quatre dans la vie suffiront si vous voulez maintenir un bon capital santé (surtout si vous choisissez de vivre sur Mars où les doses de rayonnement reçues seront de toute façon plus élevées que sur Terre). Il n'y aura pas de "carrière" en tant que pilote de ligne interplanétaire.

Le décalage temporel n'empêchera pas les contacts fréquents entre les deux planètes mais il se traduira par de graves difficultés de communication (temps minimum de 3 à 22 minutes pour envoyer un message et donc de 5 à 44 minutes pour obtenir une réponse) ce qui gênera considérablement les échanges directs avec la Terre et l'utilisation de serveurs informatiques terrestres.

Le sol et l'atmosphère de Mars ont de nombreux avantages en tant que ressources potentielles et c'est pourquoi nous pouvons envisager de les utiliser pour produire sur place tout ce dont un établissement martien aura besoin ("ISRU" pour "In Situ Resources Use") comme recommandé par Robert Zubrin. Et il faudra pouvoir le faire le plus rapidement possible et de plus en plus pour que la croissance d'un tel établissement ne s'arrête pas, faute de pouvoir mobiliser des capacités de transport Terre / Mars suffisantes pour fournir aux habitants des biens essentiels ou simplement les pièces de rechange dont ils auront besoin. Pour cela, on peut s'attendre à avoir les mêmes éléments chimiques sur Mars que sur Terre mais pas tout à fait la même minéralogie.

NB: Mars était constitué ou plutôt accrété, à partir des mêmes gaz, des mêmes poussières puis des mêmes astéroïdes et planétoïdes que la Terre. Ces éléments et les constituants des astéroïdes et des planétoïdes ont ensuite évolué au sein d'un milieu planétaire (gravité, densité de chaleur) dans une minéralogie comparable à celle de la Terre primitive. Le fer et les métaux sidérophiles, plus lourds, sont descendus au cœur de la planète très malléable (pour ne pas dire liquide) dès les origines. Il y a donc eu superposition des constituants, couche après couche, aux éléments les plus légers de la surface, principalement de la silice. Bien sûr, l'homogénéité n'a jamais été parfaite, mais la tendance s'est affirmée au fil du temps, avec un mélange convectif dû à la chaleur dans le globe planétaire visqueux. Cette imperfection était due notamment à l'afflux périodique et fréquent d'astéroïdes et de planétoïdes qui ajoutait de la diversité à la surface (en même temps que leur énergie cinétique qui se convertissait en chaleur dans le monde entier). Puis, alors que la croûte se solidifiait, intervint le Grand bombardement tardif (LHB), autour de -4 milliards d'années. Cet épisode de notre histoire commune a permis aux deux planètes un enrichissement significatif en minéraux lourds accessibles (métaux) et aussi en eau car les deux planètes, Mars et Terre, s'étaient formées sous la ligne de glace et incluaient donc à l'origine quelques éléments volatils libres ( les gaz primitifs et l'eau étant solidement liés chimiquement à d'autres éléments). Il y avait sans doute jusqu'à présent une tectonique des plaques primitive, des morceaux de croûtes se formant à la surface et s'enfonçant de temps en temps dans les couches magmatiques inférieures à fondre et à transformer. Puis, à mesure que la croûte se généralisait à la surface et s'épaississait, le volcanisme se manifestait de plus en plus violemment, permettant au magma de percer la croûte pour libérer les tensions qu'elle subissait, enrichissant en même temps l'atmosphère (en particulier le soufre et le dioxyde de carbone). Au centre, compte tenu de la chaleur et de la densité, un noyau solide entouré d'un noyau liquide généré par rotation différentielle et friction, un champ magnétique global. C'est notre histoire commune.

De là, l'histoire planétologique diverge, évidemment progressivement. Les planètes continuent à se refroidir et la croûte à s'épaissir mais la Terre dix fois plus massive et se refroidissant, pour cette seule raison, plus lentement, initie une tectonique horizontale des plaques qui continue à ce jour alors que la croûte de Mars s'épaissit très rapidement et que c'est aussi le magma visqueux n'a pas permis la généralisation du phénomène (il peut avoir été esquissé). La Terre restant pleinement active, a créé à sa surface (et continue de créer) une minéralogie extrêmement diversifiée à laquelle une atmosphère importante et riche, ainsi que l'eau liquide toujours présente, contribuent rapidement et abondamment (produisant en abondance, carbonates, sulfates, oxydes, argiles, etc.) et auxquels la vie rejoint après un certain temps, dans un océan profond et très accueillant, pour ne pas dire très facilitant.

La minéralogie de Mars est, au final, moins riche que celle de la Terre et il sera sans doute un peu plus difficile d'exploiter les éléments que cette évolution a très tôt ralenti puis arrêté vers -3,5 milliards d'années un permis (par exemple probablement moins veines de certains métaux, ces concentrations résultant de l'action de l'eau ainsi que du volcanisme; peu de carbonates, pas de charbon, pas de pétrole).

Les carences actuelles en eau et en atmosphère constituent une autre contrainte pour le développement d'une grande colonie humaine. Certes, Mars a de l'eau et une atmosphère, ténue mais non négligeable, bien plus que la Lune, mais autant qu'il semble possible de les utiliser pour une population de petite taille, autant les colonies à grande échelle (plus de quelques milliers habitants et a fortiori un million!) posent des problèmes qui dépassent nos capacités technologiques d’aujourd’hui. L'eau, qui se trouve dans le sol sous forme de glace, doit être extraite, transportée, puis après utilisation, recyclée. Cela peut être fait et ce sera fait, mais cela sera toujours coûteux en énergie et l'abondance de la ressource sera toujours limitée et inégalement répartie sur la surface du globe. On peut imaginer un recyclage presque Conseil Chauffage incluant de l'eau «noire» mais ce ne sera pas pour l'instant (pourrons-nous recycler plus que ce que nous recyclons aujourd'hui dans l'ISS et récupérerons-nous l'eau contenue dans les cadavres humains?). Quoi qu'il en soit, les molécules d'eau que nous aurons éclatées pour extraire l'oxygène et l'hydrogène pour utiliser ces deux éléments séparément et éventuellement les lier à d'autres dans divers processus chimiques (production d'éthylène par exemple), seront perdues sous forme de molécules d'eau. Il y aura donc des pertes, donc un besoin de renouvellement de l'offre (avec arbitrage entre le coût du recyclage marginal et le coût de la nouvelle ressource). Et le rendre quantitativement et économiquement acceptable sera long et difficile. Pour l'atmosphère, le problème ne sera pas tant d'oxygène que nous obtiendrons assez facilement de l'eau ou du dioxyde de carbone, mais bien plus la basse pression et la petite quantité d'azote (relativement et en absolu). La pression obligera à limiter en taille les grandes structures sous pression en surface car plus la structure est grande, plus la pression interne (on choisira probablement 500 millibars) s'exerce vers un environnement extérieur presque vide (pression atmosphérique moyenne sur Mars, 6 millibars), est difficile à contenir. Actuellement, au-delà des domaines des habitats linéaires et des faibles volumes unitaires reliés par des couloirs, imaginés par Richard Heidmann, nous pouvons considérer des dômes hémisphériques de 30 mètres de diamètre dans la structure géodésique mais ces dômes (comme Richard a calculé Heidmann) devraient être ancrés dans des fondations en duricrete ( Équivalent martien de béton) 2 mètres d'épaisseur contre 1 mètre pour des dômes de 20 mètres. L'alternative serait d'habiter de grandes grottes. Nous le ferons certainement, mais à quelle échelle? Il faudrait creuser, mis à part les quelques grottes naturelles que nous pouvons trouver et développer, mais il me semble difficile d'envisager de faire vivre des dizaines de milliers de personnes (un million?!) Dans des grottes (nous le ferons sans doute sur l'excellente radioprotection qu'ils fourniront, mais cela se fera de façon marginale) L'autre problème est la rareté de l'azote (2% d'une atmosphère avec une pression au sol moyenne de 6 millibars). Un gaz neutre sera essentiel dans la composition de l'air respirable des bulles desservies, car ni l'homme ni les plantes ne peuvent respirer durablement de l'oxygène pur (risque d'hyperoxie) et seuls les habitats où la proportion d'oxygène serait trop élevée, risqueraient "de façon permanente" "se déclenche à tout moment. Il faut donc oublier les vastes salles avec une hauteur de plafond excessive et presque vides (comme celles que certains de nos concurrents proposaient lors du premier concours pour une base de 1000 habitants. C'est de la science-fiction.

Le troisième problème qui résultera de la faible densité atmosphérique, pour un établissement important sur Mars, plus encore que pour la première base, est la communication physique entre les habitants. Il sera impossible de circuler en plein air sans protection et circuler avec protection sera possible mais compliqué, gênant et dangereux (dépressurisation et asphyxie). Cela aura de nombreuses conséquences!

Il est à noter que, compte tenu de ces différentes contraintes, certaines régions de Mars ne seront pas colonisables. Ce sont des zones trop sèches, trop froides à certaines saisons (hautes latitudes et pôles!), Ou d'altitude trop élevée car l'atmosphère est vite plus ténue à mesure que l'on se lève. Au sommet du mont Olympe, à 21 km au-dessus du Datum (altitude moyenne), nous sommes presque dans l'espace (pression atmosphérique 0,3 millibars) mais déjà dans les hautes terres du sud (plus de 50% de la surface de la planète) la pression atmosphérique est évidemment inférieur à la moyenne de 6 millibars. Nous essaierons toujours de minimiser les coûts énergétiques.

Compte tenu de ces contraintes, je donnerai la semaine prochaine quelques idées sur les possibilités de structures et l'organisation de grandes colonies sur Mars (plusieurs dizaines de milliers d'habitants, voire plus).

Illustration du titre: Base Alpha, sur Mars, crédit SpaceX.

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