« Il faut que l’après soit différent de l’avant en termes d’émissions de gaz carbonique », déclare Jean Jouzel
Le climatologue Jean Jouzel appelle à des changements dans le comportement et l'organisation de la société pour réduire la pollution de l'air tandis que le confinement réduit les émissions de dioxyde d'azote à travers l'Europe.
Les émissions de dioxyde d'azote ont fortement diminué dans dans toute l'Europe depuis la mise en œuvre de mesures de confinement pour lutter contre la pandémie de Covid-19, selon l'Agence spatiale européenne. En revanche, de fines particules sont toujours présentes dans l'air.
Comment expliquez-vous cette diminution des émissions de dioxyde d'azote?
Le dioxyde d'azote est produit lors de la combustion, notamment les combustibles fossiles, il peut être en grande partie dû à la circulation routière, à la circulation aérienne ou au chauffage. De toute évidence, nous avons une diminution très nette du trafic routier et aérien et cela se voit clairement d'en haut. Données de l'Agence spatiale européenne sont extrêmement clairs avec des cartes extrêmement significatives, mais aussi les données mesurées, par exemple à Paris, sur Airparif. Mais il y a aussi des mesures au sol, dans des stations, à différents endroits, pratiquement partout en France, qui sont bien coordonnées, qui montrent cette diminution du débit de dioxyde d'azote, ce polluant qui pose problème aux voies. respiratoire. C'est également l'un des précurseurs de l'ozone troposphérique qui lui-même pose problème. Nous avons vraiment ces problèmes de pollution que nous expliquons bien et le fait que la pollution par les particules fines ne change pas car l'augmentation du chauffage compense en fait les émissions.
En effet, le confinement semble avoir des effets nettement moins bénéfiques sur les particules fines. Est-ce parce que cela dépend des conditions météorologiques?
Cela dépend des conditions météorologiques, du chauffage bien sûr, et tout cela est une expérience à grande échelle qui sera analysée par mes collègues. Par la suite, il faut évidemment passer des concentrations que nous avons aux émissions. Il y a beaucoup de travail en cours. Par exemple, j'ai beaucoup de collègues qui travaillent sur la modélisation. Des modèles doivent être utilisés pour aller de ce que nous voyons, de ce que nous observons, des concentrations dans l'atmosphère aux émissions. Il existe également un lien très fort entre ce qui se passe sous nos yeux et l'évolution du climat. En tout cas, ce qui est à l'origine de l'évolution du climat. Le premier point d'abord, c'est que cette pollution neutralise une partie du réchauffement climatique. Et d'une certaine manière, le réchauffement climatique pourrait être un peu accentué, jusqu'à 20%, si nous éliminions toute la pollution.
Un autre point est évidemment ce qui cause le réchauffement lui-même, les émissions, elles sont directement liées à l'utilisation des énergies fossiles, du pétrole, du gaz et du charbon. Les émissions de dioxyde de carbone, de dioxyde de carbone ont également diminué. C'est vrai à Paris, Airparif l'a montré. C'était vrai pour la Chine. On pense à des réductions de l'ordre de 20 à 30%. Bien sûr, cela nous interroge. Cela nous ramène, c'est vraiment important, sur les trajectoires de réduction des émissions de dioxyde de carbone. Mais malheureusement, nous avons peur d'être dans un contexte comme celui de la crise de 2008. En 2009, après la crise de 2008, les émissions ont baissé de 1 à 2% mais ont augmenté de près de 6% entre 2009 et 2010, pour reprendre leur croissance.
Pour inverser la tendance, car quand on voit ces cartes, ça donne de l'espoir, finalement.
Pour la pollution, oui. Cela montre que la pollution pourrait être éliminée, contrôlée, s'il y avait moins d'activités ou si les activités causant cette pollution étaient contrôlées. Mais pour l'urgence climatique, malheureusement, les effets d'une réduction des émissions de dioxyde de carbone, même s'ils étaient de 4 à 5% en moyenne en 2020 – c'est ce qu'on peut imaginer – ce ne serait pas le cas si nous recommençons, et c'est ce que je plaide, sur une économie sobre en carbone. C'est le point. Nous devons vraiment partir. L'après doit être différent de l'avant en termes d'émissions de dioxyde de carbone et, grosso modo, d'organisation de la société. C'est vrai pour la pollution, c'est vrai pour le climat.