DIJON : Le confinement invite à considérer la ville différemment
Avec Icovil, plongez dans les problématiques d'urbanisme et l'histoire de Dijon. La justification du PLUi-HD, les mises à jour potentielles, la fantaisie de la maison individuelle et la hauteur des bâtiments sont discutées. Saviez-vous que les immeubles du quartier Clémenceau ont la moitié des étages que prévu?
L'association Icovil s'est fixé pour objectif de partager la connaissance de l'histoire des villes ainsi que celle de l'urbanisme. Il est soutenu par Dijon Métropole, son président est Jean-Pierre Gillot. Informer les débats sur les questions d'urbanisme Infos sur Dijon a demandé Agnès Bournigault, diplômée en architecture, employée d'Icovil.
Trente Glorieux au 21e siècle
Historiquement, dès novembre 1944, le général de Gaulle crée le MRU, le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme. Pour agir rapidement, les lois centralisatrices qui existaient déjà ont été ratifiées. A partir de 1967, la grande nouvelle allait être la loi d'orientation foncière, la LOF qui jettera les bases des documents d'aujourd'hui.
Pour distinguer les aspects juridiques et prévisionnels de l'urbanisme, le POS, le Plan d'occupation du sol et le SDAU, Plan directeur d'aménagement urbain, qui sont aujourd'hui devenus le PLU, Plan d'urbanisme local et SCOT, Schéma de cohérence territoriale. Le LOF a alors prévu une préparation conjointe des documents entre l'Etat et les communautés, mais la décentralisation transférera la responsabilité du POS aux communautés.
La nouveauté réside dans le fait que le Plan Local d'Urbanisme a davantage intégré le concept d'urbanisme et les «savoirs pluridisciplinaires et transversaux combinés» tels que les questions d'emploi, de déplacement, de logement, de réseaux, de loisirs, etc.
Aujourd'hui, nous en sommes au Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). A la complexité du PLU s'ajoute l'appréhension d'un territoire intégrant plusieurs communes. La naissance du PLUi est liée à la création de métropoles et à leur objectif de contribuer au développement équilibré et cohérent d'un territoire intercommunal.
Un manque de logements adaptés à la demande
"Le document d'aujourd'hui vient d'une histoire" rappelle Agnès Bournigault avant d'évoquer le célèbre PLUi-HD de Dijon Métropole. HD pour l'habitat et le déplacement.
L'un des défis posés par le PLUi-HD concerne la densification urbaine. "Cette densité visait à éviter l'étalement urbain qui détruit les terres agricoles et les espaces naturels à la périphérie des villes". Cela correspond à une aspiration européenne initiée il y a vingt ans dans un contexte économique contraint, mais "la densification signifie parfois moins d'espace vert, moins de fraîcheur"
Les aspects du logement et de la circulation correspondent à des préoccupations exacerbées par la crise financière et immobilière de 2008 qui a particulièrement touché les bailleurs sociaux. «Il y a un manque de logements qui continue de se faire sentir pour des raisons économiques contextuelles et pour des raisons sociologiques, (…) le relâchement des ménages lié à la restructuration familiale», rappelle Agnès Bournigault.
Les déplacements sont de plus en plus influencés par la problématique de la ville durable, d'où les réponses en termes de développement pour les déplacements «doux» (marche à vélo, scooter …) qui ne consomment pas d'énergie fossile et pour la mise en place du tramway.
Plusieurs années ont donc été nécessaires pour écrire un tel PLUi-HD dans un contexte où la prise en compte des préoccupations environnementales est de plus en plus répandue au sein de la population. "Cela signifie que nous sommes déjà en retard" avec un tel document, note Agnès Bournigault, qui met en avant les thèmes de la biodiversité et de l'eau parmi les enjeux. En conséquence, "le document doit constamment être mis à jour". La crise sanitaire actuelle risque d'accélérer la nécessité d'une telle mise à jour.
"Ce sont les hommes qui font la ville"
Si l'homme politique en charge d'organiser la communication des différents savoirs pour aboutir à un référentiel, Agnès Bournigault considère que "nous devons laisser des espaces de liberté" pour que "les citoyens puissent reprendre leur propre espace". "La culture de la ville doit passer par chacun de nous car si elle ne vient que d'en haut, on sait qu'elle ne fonctionne pas", prévoit-elle. D'où les actions pédagogiques de l'association Icovil pour une prise de conscience et une prise de conscience de l'espace public et de la ville comme bien commun.
La dimension intercommunale d'un PLUi signifie que la démocratie s'exprime, même s'il y a un président à la tête de la structure intercommunale, car chaque maire conserve des pouvoirs dans sa commune concernant l'espace public ou le parc HLM par exemple. L'État intervient également, en tant que conseil ou arbitre, dans un rôle qui n'est pas toujours bien interprété, à travers des structures qui soutiennent les élus locaux.
"Ce sont les hommes qui font la ville" lance Agnès Bournigault. "L'urbanisme est le fruit d'une équipe transdisciplinaire et de spécialistes" et la contribution des élus dépendra de leur propre "connaissance de la culture urbaine" qui se dessine dans l'exercice du pouvoir. Le rôle politique dans la construction d'un PLUi serait également lié à la culture urbaine des élus accompagnés des services.
Face au travail «monumental» menant au PLUi-HD, Agnès Bournigault encourage les décideurs ou candidats à la gestion d'un exécutif à être «attentifs à la recherche» pour construire «la prochaine étape» ainsi que «faire preuve d'imagination et d'ouverture "
"Que pouvons-nous faire de plus pour rafraîchir la ville en été?" Entraînement! "
L'architecte qui concevrait un bâtiment aujourd'hui en se référant strictement au cadre réglementaire actuel plutôt qu'à celui à venir ferait un projet dépassé en quelques mois. "Il faut être conscient de cette accélération du changement climatique pour être plus ambitieux", incite Agnès Bournigault.
Concernant le secteur de la construction, la dernière étape à ce jour est celle de la réglementation thermique de 2012, en veillant principalement à faire face aux hivers en limitant les déperditions calorifiques. "On voit bien aujourd'hui que la question n'est plus le chauffage en hiver mais la climatisation en été", note-t-on chez Icovil. "Que pouvons-nous faire de plus pour rafraîchir la ville en été?" "Entraînement!" nous répondons à l'association.
Après un an de recul sous la pression du bâtiment, une nouvelle réglementation sera mise en place fin 2020 avec pour objectif d'évoluer vers des bâtiments à énergie positive tout en tenant compte de leur empreinte carbone.
L'industrie du bâtiment n'inclut pas les grandes structures, elle comprend également les PME et les artisans. La mise en œuvre pratique des réglementations peut donc être problématique. Alors que RT 2012 encourageait l'isolation extérieure, le bardage en bois a connu un certain enthousiasme mais, ayant travaillé avec le béton pendant 40 ans, "les entreprises ne savaient plus travailler le bois", comme le note Agnès Bournigault. Choix et installation des bois, "la connaissance s'est perdue, surtout dans les villes". La recherche doit bénéficier à toutes les parties prenantes, quel que soit leur niveau, ce qui nécessite de pouvoir prendre du temps de formation pour apprendre de nouvelles techniques ou de nouveaux matériaux.
Un coach pour accompagner les projets de construction individuels?
Contrairement à la volonté de densification, une partie de la population aspire à trouver un logement dans une maison individuelle à moins de 30 minutes d'un centre-ville. Un fantasme qui a vécu? «Le fantasme d'une maison avec jardin correspond à une tranche d'âge» analyse Agnès Bournigault, lorsque des couples se forment et ont des enfants. L'idéal de la campagne est donc un modèle que les parents veulent transmettre.
Une fantaisie dépassée par les conditions d'acquisition et les coûts. Lors d'une acquisition, le rôle de la banque se limite à étudier la solvabilité d'un ménage qui souhaite acheter ou faire construire une maison. Les coûts annuels d'énergie et de transport ne sont pas pris en compte par le prêteur. Il appartient au ménage d'en tenir compte dans son budget projeté sur vingt ans. "Qui propose cette vision du cycle de vie d'un bâtiment?" Ce n'est pas la préoccupation des architectes ou des urbanistes. Du côté d'Icovil, nous regrettons cet état de fait: "il manque un lien" pour éclairer les familles sur les implications budgétaires d'un choix de logement.
L'architecte, qui est le «chef d'orchestre», sait «mesurer la cloison» d'une construction de bâtiment. Il interviendra sur les enjeux énergétiques avec la gestion des fluides, en tenant compte des espaces verts, du choix des essences d'arbres tout en devant prendre en compte les allergènes … Les impératifs économiques, écologiques et sanitaires amènent donc les professionnels à se questionner. Est-ce l'architecte de devenir le «coach» d'une famille qui construit, surtout quand il intervient alors que le terrain est déjà choisi?
"Dijon est une ville pas très haute"
Les logements en ville vont donc des petites maisons aux grands immeubles, des hauteurs qui interagissent entre elles. «La question de la hauteur dans la ville a cent ans. Il est apparu en France en 1922 avec des projets de Le Corbusier et Auguste Perret »indique Agnès Bournigault. Ce n'est pas tant la hauteur elle-même qui cause le problème que les rapports de hauteur des bâtiments entre eux. La hauteur d'un immeuble implique également un recours particulier à l'espace public en augmentant la circulation des usagers aux heures de pointe (comme c'est le cas autour du quartier de La Défense près de Paris). La projection d'ombre du bâtiment doit également être prévue en fonction du cours du soleil.
Au sein de l'association où nous étudions l'histoire des villes, nous prenons volontiers l'exemple du quartier Clémenceau pour mettre en avant la question du rapport à l'altitude. Ce quartier où se trouvent la Cité Judiciaire et l'Auditorium devait être le nouveau centre d'affaires de Dijon mais la crise pétrolière des années 1970 a ralenti son développement. Les bâtiments devaient être deux fois plus hauts qu'aujourd'hui, ce qui aurait considérablement changé la perception de la ville aujourd'hui.
"A Dijon, cette question de la hauteur est difficile à franchir car nous sommes dans une ville qui n'est pas très haute", note Agnès Bournigault. L'identité de la cité ducale est d'être une métropole au patrimoine remarquable, à la fois médiéval, classique et haussmannien. Les habitants ne se projettent donc pas dans des immeubles de dix étages ou plus.
L'hôte d'Icovil met en garde contre la perception des quartiers en construction où «on ne ressent pas la proximité de la nature et de la verdure» contrairement au quartier de Fontaine-d'Ouche, proche de la vallée du Serpent et du lac Kir; l'espace autour des bâtiments tempère la sensation de hauteur de ceux-ci. Enfermés au milieu du printemps, les citadins ressentent encore plus ce besoin d'espace naturel à leur porte et, du fait du ralentissement des activités, revisitent la ville.
Jean-Christophe Tardivon
Notre reportage dans le quartier Toison d'Or lors de l'accouchement
Quartier du Port du Canal
Quartier des Grésilles
Le centre ville
Attribué à l'architecte Pierre le Muet et construit en 1641, l'hôtel Bouchu d'Esterno abrite les locaux de l'association Icovil au 1 rue Monge à Dijon (images d'archives)
Expositions à découvrir avec déconfinement (image d'archive)
Diplômée en architecture, Agnès Bournigault dirige l'association Icovil (image d'archive)
Conçu par les architectes Jacques Goubet et Robert Faurel et inauguré en 1983, le Conservatoire à rayonnement régional est situé dans le quartier Clémenceau à Dijon (image d'archive)