fbpx

Éviter la taxe carbone à tout prix

By

Éviter la taxe carbone à tout prix

Le changement climatique nous oblige à innover. C'est ce qu'a fait le gouvernement français en lançant une expérience originale de démocratie directe: le Convention du citoyen sur le climat. Cent cinquante personnes ont été appelées à proposer «Des mesures pour parvenir à une réduction d'au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale. " Les travaux ont commencé en octobre 2019 un week-end de trois jours chaque mois, puis ont été interrompus par l'épidémie de Covid-19. La Convention devait rendre ses conclusions en avril.

L'un des intérêts de cette convention réside dans sa vertu éducative. Les auditions étant filmées et disponibles sur le web, chacun peut s'informer sur les enjeux climatiques et s'informer sur les politiques publiques susceptibles d'y répondre. Les premières discussions avec les experts ont donné le ton: une hostilité ouverte à la taxe carbone. Dès le quatrième jour, l'un des citoyens de la Commission a protesté contre un questionnaire qui leur avait été distribué à ce sujet. Elle a dit avec applaudissements que nous parlions "trop ​​de taxe carbone".(1) Il y avait un soupçon de manipulation par les autorités publiques.

Sans préjuger des conclusions de la Convention, il semble au fil des débats que les solutions technologiques l'emportent sur les mesures fiscales. Nous voulons promouvoir des technologies plus propres avec des subventions (qui devront cependant être financées par des prélèvements fiscaux) ou bien imposer des normes plus strictes en termes d'efficacité énergétique et de rejets de polluants. Certaines technologies sont à bannir, comme c'est déjà le cas dans les villes qui limitent chauffer les terrasses des bars et restaurants. Les conventionnels parlent d'interdire les compagnies aériennes nationales et d'établir un quota de nouveaux vêtements par an.(2) Bien que ces solutions technologiques soient attrayantes – tout le monde veut le meilleur de la technologie – elles ont un coût. Ils ont également des défauts qui peuvent être évités avec une taxe sur le carbone.

La taxe carbone comme levier de progrès technologique

Tout le monde convient que nous avons besoin de technologies plus efficaces pour faire face au changement climatique. Mais les avis divergent sur les moyens d'y parvenir. L'imposition de normes technologiques plus strictes présente l'avantage de la simplicité. Cela implique, par exemple, de limiter les émissions de CO2 par kilomètre pour les véhicules, par surface habitable pour le logement, par volume pour les réfrigérateurs. Ce type de réglementation envoie un message clair aux industriels: vous devez innover pour que vos produits répondent à ces nouvelles exigences. Mais il doit être accompagné de moyens de contrôle, et de sanctions en cas de non-respect. La détermination des normes ouvre également la porte à un intense lobbying des industriels concernés.

La taxe carbone utilise un moyen détourné pour générer cette innovation: le signal prix. En facturant les émissions de CO2, nous augmentons le prix des carburants, ce qui conduit à l'achat de véhicules moins énergivores. Le coût du chauffage au fioul et au gaz augmente, ce qui rend l'investissement dans l'isolation ou l'achat d'une pompe à chaleur plus attractif. La hausse du prix de l'énergie incite les ménages à consommer moins et les entreprises à concevoir des produits pour accompagner cette transition. Nous l'avons vécu après le choc pétrolier des années 1970 qui a transformé le parc automobile européen vers plus de sobriété.

Standard versus taxe

Comme la norme technologique, la taxe carbone est un outil de politique environnementale qui stimule le progrès technique, mais par d'autres leviers. L'épisode des gilets jaunes a mis en évidence les inconvénients de la taxe carbone non accompagnés de mesures sociales. Les normes ont également leurs défauts, dont certains peuvent être évités avec la taxe. Voici quelques-uns.

Les normes sont un outil pratique par des groupes de pression pour promouvoir leurs produits ou technologies. Nous avons vu en 2015 comment Volkswagen a réussi à piéger les contrôleurs dans les niveaux d'émissions polluantes de ses véhicules diesel. Comme les barrières métalliques empêchant le stationnement des voitures, l'absence de norme sur une technologie donnée est interprétée comme une autorisation. Il faut donc les multiplier, ce qui ouvre la porte à des négociations industrie par industrie, voire entreprise par entreprise. La politique industrielle d'accompagnement des champions nationaux et les menaces de perte d'emplois entrent alors en conflit avec l'objectif environnemental de réduction des émissions polluantes à moindre coût. De même, la norme technologique peut être détournée de sa mission initiale de protection de l'environnement pour ériger des barrières au commerce international au profit de producteurs influents qui, protégés de la concurrence, peuvent imposer leurs conditions commerciales.

La norme réglemente le produit mais ne contrôle pas son utilisation. Il est économiquement inefficace d'exiger qu'un conducteur qui roule légèrement paie le coût supplémentaire d'une technologie de pointe en termes d'efficacité énergétique. Avec une taxe carbone, il garderait sa vieille voiture mais réduirait ses déplacements, et l'automobiliste qui voyage beaucoup serait encouragé à acheter une voiture moins économe en carburant. Pour le premier, l'impact sur les émissions de CO2 serait à peu près le même qu'avec un moteur plus cher car il roule peu; comme pour le second, le surcoût d'achat serait compensé par une consommation réduite. De même, il est inefficace d'imposer l'achat d'un climatiseur sophistiqué s'il n'est utilisé que deux semaines par an. Si vous souhaitez parcourir les spécifications techniques, celles des climatiseurs doivent être différentes selon les régions et la durée d'utilisation ce qui est impossible à mettre en pratique.

De plus, une voiture qui reste dans le garage ne pollue pas, alors qu'une voiture qui consomme peu sera plus utilisée. C'est ce que les économistes appellentl'effet de rebondissement (ou paradoxe de nous) les politiques environnementales. La réduction de la pollution due à la nouvelle norme est inférieure à celle estimée pour une utilisation donnée car l'utilisation est en augmentation. L'effet rebond a été souligné dans une étude sur le bonus-malus automobile pour les émissions de CO2 en France. Cette mesure a atteint son objectif qui était d'orienter les achats vers des voitures plus économes en énergie, mais au prix d'une augmentation du nombre de kilomètres parcourus par an. Au final, les auteurs de l'étude estiment que le bonus-malus a augmenté les émissions du secteur automobile d'environ 9%. Au contraire, taxer le carbone contenu dans le carburant impacte non seulement l'achat de voitures mais aussi leur utilisation en incitant les conducteurs à conduire moins même si leur voiture consomme peu.

L'effet Gruenspecht

La norme technologique, en s'appliquant aux nouveaux produits, augmente la valeur des produits plus polluants sur le marché de l'occasion. C'est l'effet Gruenspecht du nom de l'économiste qui l'a popularisé. Les consommateurs qui ne veulent pas ou ne peuvent pas payer le coût supplémentaire d'une technologie plus avancée n'ont d'autre choix que de garder leur véhicule ou de se tourner vers le marché d'occasion. Les voitures qui devraient être mises au rebut continuent de rouler. Au final, la norme encourage une augmentation de la durée de vie des véhicules consommateurs d'énergie. UNE étude identifié l'effet Gruenspecht dans le cadre du CAFE (Économie moyenne de carburant des entreprises), la norme d'efficacité énergétique des États-Unis. Les auteurs partent du constat que les véhicules les plus lourds et les plus puissants sont ceux qui durent plus longtemps. Suite au renforcement du CAFE, les acheteurs de SUV et de camionnettes reportent leurs achats ou achètent d'occasion. En conclusion, les auteurs de l'étude estiment que cet effet réduit la réduction des émissions de CO2 d'environ 15%. Avec la taxe carbone, pas d'effet Gruenspecht. Les propriétaires de VUS et de camionnettes sont immédiatement touchés par la hausse des prix du carburant lorsqu'ils se rendent à la pompe. Ils sont encouragés à conduire moins et à remplacer leur véhicule par un nouveau plus sobre.

La norme technologique n'est pas pas plus juste que la taxe carbone. Certes, la taxe carbone affecte directement les plus pauvres qui consacrent une grande partie de leur revenu à acheter de l'énergie pour se chauffer ou voyager. Cependant, comme nous l'avons mentionné dans une tribune précédentecontrairement à la norme, la taxe génère des revenus qui peuvent être utilisés pour compenser cette perte de pouvoir d'achat en ciblant les plus défavorisés. De son côté, la norme est loin d'être indolore. Il augmente le coût des voitures, des chaudières, des climatiseurs. Les ménages les plus pauvres auront du mal à financer ces dépenses, surtout s'ils n'ont pas accès au crédit. Comme la taxe sur le carbone, une norme technologique peut frapper plus les pauvres que les riches. Analyse économique montre qu'une norme d'efficacité énergétique peut se révéler plus régressive qu'une taxe carbone, c'est-à-dire creuser les inégalités. Ce résultat a été validé empiriquement pour le CAFÉ aux Etats-Unis.

Le mandat des citoyens & # 39; La convention doit recommander des outils de politique publique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans un esprit de justice sociale. Une multitude d'instruments sont disponibles, combinant des interventions directes sur les quantités et la direction comportementale à travers des contrôles de prix. Certains sont déjà utilisés, d'autres sont à imaginer. L'un de ces instruments est la taxe carbone, avec ses qualités et ses défauts. Elle ne fera pas tout, mais elle doit faire partie de la solution au même titre que les standards technologiques. Ne pas parler de taxer les émissions de carbone est un choix que les membres de la Commission devront assumer vis-à-vis des générations futures également concernées par la justice sociale.

__________

(1) Le voir retransmission vidéo séances du 25 octobre vers 2h52

(2) Source: Le Canard enchainé du 15 janvier.